Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/69

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charnelles affections, et renoncer à ces plaisirs qui sont comme un serpent sous vos pieds. Je vous dis que le fils de David n’a pas doté le reste du genre humain d’un meilleur lot que vous. »

Alors il monta à cheval, et se tournant vers Morton, il lui récita le texte de l’Écriture : « Un joug pesant fut imposé aux fils d’Adam, du jour où ils sortirent du sein de la mère commune de toutes choses. Depuis celui dont une soie d’azur forme le vêtement, et qui porte une couronne, jusqu’à celui dont l’habit est de lin ou de bure, tous sont la proie de la colère, de l’envie, des chagrins, des soucis, des querelles, et, même au milieu du repos, de la crainte de la mort qui les suit partout. »

Après avoir prononcé ces paroles, il mit son cheval au galop, et bientôt disparut sous le feuillage de la forêt.

« Adieu, sauvage enthousiaste, » dit Morton le suivant des yeux. « Combien serait dangereuse pour moi, dans certaines dispositions de mon esprit, la société d’un homme semblable ! Bien que je ne sois pas ébranlé par son zèle pour les doctrines abstraites de la foi, ou plutôt pour un mode tout particulier de culte (comme l’indiquait le sens de ses réflexions), puis-je être homme, et surtout Écossais, et voir avec un œil d’indifférence cette persécution qui d’un homme sage a fait un fou ? N’est-ce pas pour la cause de la liberté civile et religieuse que combattit mon père ? Dois-je rester inactif, ou prendre le parti d’un gouvernement oppresseur, s’il n’y a aucun espoir raisonnable de réprimer les injustices sans mesure sous lesquelles succombent mes malheureux concitoyens ? Et pourtant, qui m’assurerait que ces hommes, rendus féroces par la persécution, ne seraient pas, à l’heure de la victoire, aussi cruels et aussi intolérants que ceux par qui ils sont égorgés aujourd’hui ? Quel degré de modération ou de pardon doit-on attendre de ce Burley, un de leurs principaux champions, qui à présent même semble avoir les mains fumantes de quelque meurtre récent, et qui paraît se débattre sous les aiguillons d’un remords que toutes les puissances de l’enthousiasme ne peuvent émousser ? Je suis las de ne voir que la violence et la rage autour de moi, tantôt prenant le masque des lois, tantôt celui du zèle religieux. Je suis fatigué de mon pays, de moi-même, de ma position dépendante, de mes sentiments refoulés dans mon cœur, de ces bois, de cette rivière, de cette maison, de tout enfin, excepté d’Édith : et elle ne peut être à moi ! Pourquoi fréquenté-je ses promenades ? Pourquoi nourrir mes propres illusions, et