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son nom, demeuraient dans le désert. Vengeance prompte et complète, vengeance sur les oppresseurs, était la conclusion de cette dévote oraison, qu’il fit d’une voix haute et d’un ton emphatique, et que rendit encore plus expressive le style oriental de l’Écriture.

Quand il eut achevé sa prière il se leva, et prenant Morton par le bras, ils descendirent ensemble à l’écurie, où le Vagabond, pour donner à Burley le nom qui fut souvent la qualification de sa secte, se mit à disposer son cheval afin de poursuivre sa route. Quand l’animal fut sellé et bridé, Burley pria Morton de l’accompagner à une portée de fusil dans le bois, et de le mettre dans le vrai chemin des marais. Morton y consentit volontiers ; ils marchèrent quelque temps, gardant l’un et l’autre le silence, sous l’ombre de plusieurs vieux et beaux arbres, suivant un sentier que la nature avait tracé elle-même, et qui, traversant ce pays boisé environ l’espace d’un demi-mille, conduisait jusqu’à la terre nue et sauvage qui s’étend au pied des montagnes.

Ils n’avaient point encore échangé un mot, quand Burley, rompant ce long silence, s’écria tout à coup : « Eh bien les paroles qu’hier soir je vous ai adressées ont-elles fructifié dans votre âme ? »

Morton répondit : « J’ai toujours la même opinion que naguère, et suis toujours résolu, du moins aussi long-temps que cela sera possible, d’allier les devoirs d’un bon chrétien avec ceux d’un paisible sujet. — En d’autres termes, reprit Burley, vous désirez servir Dieu et Mammon ; vous voulez un jour professer la vérité de votre propre bouche, et le jour d’ensuite, au signal de la puissance tyrannique et charnelle, prendre les armes et verser le sang de ceux qui pour cette vérité ont tout abandonné. Pensez-vous, continua-t-il, toucher de la poix et rester sans tache ? Pensez-vous vous mêler dans les rangs des impies, des papistes, des prélatistes, des latitudinaires et des railleurs ; partager leurs plaisirs, qui sont comme des viandes offertes aux idoles ; habiter peut-être avec leurs filles comme des enfants de Dieu avec les filles des hommes, sur la terre, avant le déluge ? Pensez-vous, dis-je, faire tout cela, et rester pur de toute espèce de souillure ? Je vous le répéterai toujours, toute communication avec les ennemis de l’Église est la chose maudite de Dieu ; ne touchez rien, ne goûtez de rien, n’effleurez même rien ! et ne vous affligez pas, jeune homme, comme si vous étiez le seul qui fussiez appelé à dompter vos