Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/67

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de la pourpre du soleil levant, et l’aube paraissait dans toute la fraîcheur d’une matinée d’été.

« J’ai dormi trop long-temps, dit Morton, je dois sans perdre un instant hâter le départ de ce malheureux fugitif. »

Il s’habilla promptement, ouvrit la porte de la maison avec précaution, et vola vers le lieu où le puritain était confiné. Morton entra sur la pointe du pied, car le ton assuré et les manières solennelles, aussi bien que le langage extraordinaire et les réflexions de ce singulier individu, l’avaient frappé d’un sentiment qui tenait du respect et de la crainte. Balfour était encore endormi. Un rayon de lumière donnait sur sa couche sans rideaux, et fit voir à Morton ses traits durs, qui semblaient agités par quelque forte émotion de l’âme. Il ne s’était point déshabillé. Ses deux bras étaient hors du lit ; sa main droite était fortement serrée, et de temps en temps faisait un mouvement violent comme pour frapper, comme dans un rêve de meurtres ; sa main gauche était étendue, et par instants une convulsion machinale lui faisait exécuter le geste de repousser quelqu’un. La sueur couvrait son front, pareille à ces bulles d’eau qui sortent d’un ruisseau qu’on vient de troubler ; et toutes ces marques d’émotion étaient encore accompagnées de mots entrecoupés qui s’échappaient de ses lèvres par intervalle. « Tu es pris. Judas… tu es pris… n’embrasse pas mes genoux… tuez-le !… un prêtre !… oui, un prêtre de Baal ; qu’il soit lié, qu’on l’immole près du ruisseau de Kishon !… les armes à feu seront sans pouvoir contre lui… frappez… mais avec le fer qui glace… mettez fin à son agonie… mettez fin à son agonie, quand ce ne serait que par respect pour ses cheveux blancs. »

Justement alarmé de ces expressions violentes, qui, même dans le sommeil, semblaient se précipiter avec la farouche énergie qui aurait accompagné l’action même du meurtre, Morton frappa son hôte afin de le réveiller ; les premiers mots qu’il murmura furent : « Menez-moi où il vous plaira, j’avouerai tout. »

Tournant bientôt autour de lui ses yeux pleinement réveillés, il reprit tout à coup son air triste et sombre, et se jetant à genoux, avant de parler à Morton, il prononça avec effusion une prière pour les souffrances de l’Église d’Écosse, demandant au ciel qu’il daignât jeter des yeux de bonté sur le précieux sang de ses saints égorgés et de ses martyrs, et au Tout-Puissant qu’il étendît son bouclier sur les restes épars de ses fidèles, qui, en l’honneur de