Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/66

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pense. James Graham de Montrose et ses brigands montagnards l’ont-ils replacé sur le trône de son père ? Je pense que leurs têtes attachées à la porte d’Édimbourg ont témoigné assez long-temps de leur défaite. Ce furent les ouvriers de l’œuvre de gloire, les réparateurs de la beauté du tabernacle, qui le rappelèrent à la place élevée d’où tomba son père : et quelle a été notre récompense ? Elle fut dans ces paroles du prophète : « Nous cherchions la paix, et nous ne l’avons pas trouvée ; nous demandions la santé, nous n’avons rencontré que trouble. Le hennissement de ses chevaux fut entendu de Dan, et toute la terre a tremblé au bruit de la voix des forts, car ils sont venus, et ils ont dévoré la terre et tout ce qui était dessus. » — Monsieur Balfour, répondit Morton, je ne veux ni acquiescer à vos plaintes contre le gouvernement, ni les réfuter ; j’ai tâché de m’acquitter d’une dette qui était due au compagnon de mon père, en vous donnant un asile dans votre malheur ; mais excusez-moi si je ne m’engage pas plus avant dans votre cause et dans aucune discussion. Je vous laisse donc reposer, et je regrette de tout mon cœur de ne pouvoir améliorer autrement votre sort. — Mais j’espère que je vous verrai demain matin avant mon départ. Je ne suis point un homme dont les entrailles s’émeuvent pour des parents et des amis de ce monde. Quand je mis la main au manche de la charrue, je fis une sorte de traité avec mes affections mondaines, par lequel je m’imposai de ne jamais jeter les yeux en arrière sur les choses que je laissai loin de moi. Cependant le fils de mon ancien ami est comme le mien propre, et je ne puis le voir sans être intimement persuadé qu’un jour il ceindra l’épée en faveur de la cause chère et précieuse pour laquelle son père a combattu et versé son sang. »

Morton se retira, en promettant à son réfugié de venir l’avertir du moment où il devrait poursuivre sa route.

Morton dormit à peine quelques heures ; son imagination troublée par les événements de la journée ne lui permit pas de jouir d’un sommeil paisible ; il fut poursuivi de mille visions ; des scènes d’horreur se présentaient à son esprit, et dans ces scènes son nouvel ami jouait le principal rôle. La belle forme d’Édith Bellenden se mêlait aussi à ses songes, elle semblait pleurer, les cheveux épars, elle paraissait invoquer son secours, qu’il était dans l’impuissance de lui prêter. Il se réveilla et s’arracha à ce pénible sommeil, atteint de la fièvre, et l’âme en proie aux plus tristes pressentiments. Déjà la cime des montagnes éloignées se teignait