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dit le voyageur, je n’ai plus qu’un mot à vous dire. Avez-vous jamais ouï parler à votre père de John Balfour de Burley ? — Son ancien ami, son compagnon d’armes, qui lui sauva la vie, presque aux dépens de la sienne, à la bataille de Longmarston-Moor ? — Je suis ce Balfour, dit l’étranger. Là est la maison de ton oncle ; je vois la lumière à travers les arbres. Le cri du sang se fait entendre derrière moi, et ma mort est certaine si tu ne m’accordes un asile. Maintenant choisis, jeune homme : abandonne l’ami de ton père ; comme un voleur fuyant au milieu de la nuit, laisse-le exposé à la mort affreuse à laquelle il déroba celui qui t’a donné le jour ; ou bien ne crains pas d’exposer les biens périssables de ton oncle aux dangers que courent, dans ces temps pervers, ceux qui donnent du pain et de l’eau au pauvre chrétien mourant de faim et de misère. »

Mille souvenirs vinrent se présenter à la fois à l’esprit de Morton. Son père, dont il idolâtrait la mémoire, s’était plu souvent à rappeler les obligations qu’il avait à cet homme, et regrettait qu’après avoir été long-temps compagnons d’armes ils se fussent séparés avec quelque froideur, à l’époque où le royaume d’Écosse se trouvait divisé entre les résolus et les protestants[1] ; les premiers s’étaient déclarés pour Charles II, après la mort de son père sur l’échafaud, tandis que les protestants inclinaient plutôt pour une alliance avec les républicains triomphants. Le fanatisme sauvage de Burley l’avait attaché à ce dernier parti ; les deux amis s’étaient séparés, non sans quelque déplaisir, et ils ne devaient jamais se revoir. Ces circonstances, feu le colonel Morton les avait souvent rappelées à son fils, lui disant, toujours avec l’expression d’un regret profond, qu’il s’était trouvé dans l’impossibilité de reconnaître les services qu’en plus d’une occasion il avait reçus de Burley.

Pour hâter la résolution de Morton, une légère brise du soir qui vint à souffler lui fit ouïr, à une certaine distance, le son éloigné des timbales qui, semblant approcher insensiblement, leur annonçait qu’un corps de cavalerie s’avançait dans leur direction.

« Ce doit être Claverhouse avec le reste de son régiment. Qui peut occasionner cette marche de nuit ? Si vous continuez votre route, vous tomberez dans leurs mains ; si vous retournez vers la ville, vous risquez de rencontrer Graham. Le sentier de la montagne est gardé. Il faut que je vous donne asile à Milnwood, ou je

  1. Resolutioners et protesters, dit le texte. a. m.