Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/56

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à fait impossible ce soir, dit la vieille femme ; les soldats sont sur leurs gardes. On dit que des nouvelles extraordinaires venues de l’est les ont rendus plus cruels et plus terribles que jamais. Ayez soin de chercher pour cette nuit un abri quelque part, ne retournez que demain vers les marais, tenez-vous caché jusqu’au jour ; demain vous trouverez plus facilement votre route en passant par Drake-Moss. Dès que les horribles menaces de nos oppresseurs ont eu frappé mon oreille, je me suis munie de mon manteau et suis venue m’asseoir sur le revers de ce chemin, pour avertir ceux de nos pauvres frères qui errent de ce côté, et les empêcher de prendre cette route qui les conduirait au milieu de leurs spoliateurs. — Votre maison est-elle près d’ici, dit l’étranger, et pouvez-vous m’y cacher ? — Je possède une hutte de l’autre côté du chemin, dit la vielle femme, à environ un mille d’ici ; mais quatre hommes de Bélial, appelés dragons, y sont logés pour briser et détruire le peu que je possède, meubles et effets ; et cela parce que je refuse d’aller entendre leur curé, ce paresseux, ce prodigue de Jean Halftext[1]. — Bonsoir, bonne femme ; je vous remercie, » dit l’étranger ; et il s’éloigna. — Que les bénédictions de la promesse se répandent sur vous ! répondit la vieille femme ; que celui qui peut vous conserver vous garde ! — Amen ! dit le voyageur ; car je défie à qui que ce soit de m’indiquer où cacher ma tête cette nuit. — Je suis très-fâché de votre détresse, dit Morton, et si j’avais à moi une maison ou un lieu d’abri, je pense en vérité que je braverais plutôt les dernières rigueurs de la loi que de vous laisser dans une telle situation ; mais mon oncle est si alarmé des peines et amendes prononcées contre ceux qui soulagent, reçoivent et fréquentent les presbytériens, qu’il nous a défendu à tous d’avoir avec eux la moindre communication. — Je n’en attendais pas moins de sa part, dit l’étranger ; cependant vous pourriez me recevoir sans qu’il le sût : une grange, un grenier, un hangar, toute place enfin où je pourrais m’étendre, serait, d’après la nature de mes habitudes, tout aussi précieux pour moi qu’un tabernacle d’argent environné de planches de cèdre. — Je vous assure, » dit Morton fort embarrassé, « que je ne puis vous recevoir à Milnwood à l’insu de mon oncle et sans son consentement ; et quand bien même je pourrais le faire, serais-je excusable de l’exposer, sans sa participation, à un danger qu’il craint et redoute plus que tous ceux qui pourraient le menacer ? — Eh bien,

  1. Mot qui veut dire demi-texte. a. m.