Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/407

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lady Marguerite échappa aux oreilles d’Evandale, attentives à écouter les pas légers d’Édith. Ce moment de distraction, bien naturel sans doute, lui coûta cher. Pendant que lady Marguerite s’acquittait des devoirs d’une maîtresse de maison empressée, ce qu’elle faisait avec autant de plaisir que de talent, elle fut interrompue par John Gudyill, qui, avec la phrase consacrée pour annoncer les inférieurs à la maîtresse du logis, dit : « Quelqu’un demande à parler à madame. — Quelqu’un ? qui est ce quelqu’un ? a-t-il un nom ? On dirait que je tiens une auberge, et que je dois me déranger pour le premier venu. — Certainement il en a un, répondit John ; mais c’est un nom que Votre Seigneurie n’aime pas à entendre prononcer. — Quel est ce nom, imbécile ? — C’est Gibbie, milady, » répliqua John d’un ton un peu plus élevé que ne l’autorisait un respectueux décorum. Mais il s’oubliait quelquefois, se confiant en ses services, comme ancien domestique de la famille et fidèle compagnon de sa mauvaise fortune. « C’est Gibbie, si madame veut le savoir. C’est Goose Gibbie qui aujourd’hui garde les vaches d’Édie-Enchaw, après avoir jadis gardé les oies à Tillietudlem, et qui, le jour du Wappenshaw, s’en alla… — Taisez-vous, John, » répondit la vieille dame avec un air de dignité ; « vous êtes un insolent de supposer que je voudrais parler à une créature de cette espèce. Qu’il dise, à vous ou à mistress Headrigg, le motif qui l’amène. — Il ne l’entendra pas ainsi, répliqua Gudyill ; il prétend que celui qui l’envoie lui a donné quelque chose à remettre en mains propres à Votre Seigneurie ou à lord Evandale. Mais, en vérité, il n’est pas à jeun ; et il a l’air aussi sot qu’autrefois. — Alors, répondit lady Marguerite, renvoyez-le, et dites-lui de revenir demain matin, quand il ne sera plus ivre. Je suppose qu’il vient demander quelques secours, comme ancien serviteur de la maison. — C’est assez probable, milady, car il est en guenilles, le pauvre garçon. »

Gudyill se retira en prononçant ces paroles, et fit de nouveaux efforts pour apprendre de Gibbie le sujet de son message ; mais Gibbie, voulant exécuter à la lettre les ordres qu’il avait reçus, refusa de dire un mot, et remit dans sa poche un billet qu’il tenait à la main. Ce message était pourtant d’une extrême importance : c’étaient quelques lignes de Morton à lord Evandale, dans lesquelles il lui signalait les menées d’Olifant, et l’exhortait ou à fuir sur-le-champ ou à se réfugier à Glasgow, lui assurant qu’il y trouverait protection. Ayant trouvé près du pont Gibbie qui gar-