Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

persécuteurs qui aient désolé ce pays… j’en excepte le sergent Bothwell… On l’appelle Inglis[1]. — Je prends le plus vif intérêt à la sûreté de lord Evandale, dit Morton ; et je trouverai certainement un moyen de l’avertir de ces coupables menées. Mais en retour, ma bonne femme, il faut me répondre à une autre question : ne savez-vous rien de Quentin Mackell d’Iron-Gray ? — De qui ? » s’écria l’aveugle d’un ton de surprise et d’effroi. — « De Quentin Mackell d’Iron-Gray, répéta Morton. Ce nom a-t-il quelque chose d’effrayant ? — Non ; non, » répondit-elle en hésitant ; « mais l’entendre prononcer par un étranger, par un soldat !… Dieu nous soit en aide ! Quel nouveau malheur nous menace ? — Celui dont je vous parle, dit Morton, n’a rien à craindre de moi, si, comme je le suppose, ce Quentin Mackell est le même que John Bal… — Ne prononcez pas ce nom ! » dit la vieille en posant un doigt sur ses lèvres. « Je vois que vous avez son secret, et je ne vous cacherai rien. Mais, pour l’amour de Dieu, parlez bas. Au nom du ciel, dites-moi que vous ne lui voulez pas de mal !… Mais vous êtes soldat, m’avez-vous dit ? — Oui, et je le répète ; mais il n’a rien à redouter de ma part. Je commandais une division à Bothwell-Bridge. — En vérité ! mais, en effet, il y a dans votre voix quelque chose qui m’inspire de la confiance : vous parlez avec aisance et abandon, comme un homme honnête. — Et j’ose dire que je le suis. — Mais, soit dit sans vous offenser, monsieur, dans ces malheureux temps la main du frère est levée contre le frère ; et l’homme dont vous parlez a tout autant à craindre du gouvernement actuel que de ses anciens persécuteurs. — Vraiment ? je l’ignorais. Il faut dire aussi que j’arrive des pays étrangers. — Je vais tout vous dire, » poursuivit la vieille aveugle en prenant une attitude qui montrait à quel point, chez elle, l’ouïe pouvait suppléer à la vue : se tenant immobile, elle tourna lentement la tête pour s’assurer qu’il ne se trouvait personne à

  1. Les actions d’un homme, ou plutôt d’un monstre de ce nom, sont rappelées dans l’inscription d’un tombeau que le Vieillard de la Mort prenait plaisir à retracer. Je ne me souviens pas du nom du martyr ; mais les détails du crime parurent si terribles à ma jeune imagination, que l’épitaphe suivante est, j’en suis certain, tout à fait exacte, bien que je l’aie lue il y a quarante ans au moins :
    « Ce martyr a été fusillé par Peter Inglis, qui était un tigre plutôt qu’un Écossais. Cet Inglis, pour se rendre, lui et sa postérité, plus digne de l’enfer, coupa la tête de sa victime, et la roula sur le gazon. Ainsi cette tête qui aurait dû porter une couronne fut poussée comme une balle par le pied d’un dragon profane. »
    Dans les lettres de Dundee, un capitaine Inglish ou Inglis est souvent mentionné comme commandant une compagnie de cavalerie.