Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son antagoniste de la considérer comme nulle, et de vouloir bien la renouveler à pied.

« Je préférerais la renouveler à cheval, » dit le jeune lord à son antagoniste, « si j’en possédais un aussi docile et aussi bien dressé à ces sortes d’exercices que paraît l’être celui que vous montez. — Voulez-vous me faire l’honneur de le monter, à condition que vous me prêterez le vôtre ? « répondit le jeune homme.

Lord Evandale osait à peine accepter cette offre polie, bien convaincu qu’elle diminuerait le prix de la victoire, si le sort se déclarait en sa faveur. Cependant, ne pouvant maîtriser le désir qu’il avait de rétablir sa réputation de bon tireur, il ajouta, avec un certain air de dédain, que, quoiqu’il abandonnât toutes prétentions à l’honneur de la journée, il accepterait volontiers l’offre obligeante du vainqueur, et que, si celui-ci le voulait bien, cette nouvelle épreuve serait faite en l’honneur de leurs belles.

En prononçant ces mots, il jeta sur miss Bellenden un regard expressif. La tradition rapporte que les yeux du jeune tireur suivirent la même direction, mais que leur expression était plus timide. Le dernier essai du jeune lord fut aussi malheureux que le premier. Il lui fut alors difficile de conserver le ton d’indifférence dédaigneuse qu’il avait affecté jusque-là ; mais sentant tout le ridicule dont il serait l’objet, si, dans une telle circonstance, il témoignait quelque ressentiment, il rendit à son antagoniste le cheval sur lequel il avait fait sa dernière et infructueuse épreuve, et reprenant le sien en adressant à son compétiteur des remercîments. « Grâce à vous, dit-il, je n’ai point perdu la bonne opinion qu’avant ce jour j’avais de mon cheval : j’ai cependant été sur le point d’attribuer à la pauvre bête le blâme de mon infériorité ; mais je reconnais à présent, comme tout le monde, que je ne dois accuser que moi seul de ma déconvenue. » Ayant prononcé ces paroles d’un ton dans lequel le dépit se cachait sous le voile de l’indifférence, il s’élança sur son cheval et s’éloigna.

Comme il arrive ordinairement dans le monde, ceux-là même qui avaient accompagné lord Evandale de leurs vœux, témoins alors de sa défaite éclatante, accordaient à son heureux rival leurs applaudissements et leur attention.

« Quel est-il ? Qui est son nom ? » s’écriaient les gentilshommes présents ; car peu d’entre eux le connaissaient personnellement. On apprit bientôt quels étaient son rang et ses titres : et comme