Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lord Evandale, évidemment fort piqué, fit deux ou trois tours dans l’appartement avant de répondre à cette accusation ; enfin il prit la parole : « J’aurais évité ces pénibles reproches, si j’avais expliqué à miss Bellenden le principal motif qui m’a porté à lui faire cette demande. Ce motif aura sans doute peu de poids sur son esprit en ce qui la concerne personnellement ; mais elle en tiendra compte en ce qui touche lady Marguerite. Il est possible que je sois tué dans une bataille, et alors ma fortune passera à mes héritiers par voie de substitution ; ou bien encore je puis être déclaré coupable de haute trahison par le gouvernement de l’usurpateur, et elle passerait au prince d’Orange, ou à quelque favori hollandais. Dans l’un comme dans l’autre cas, ma vénérable amie et ma jeune fiancée resteraient sans protecteur et dans la pauvreté. Au contraire, investie des droits et du douaire de lady Evandale, Édith, en soutenant la vieillesse de son aïeule, pourra se consoler d’avoir consenti à partager les titres et la fortune d’un homme qui n’ose se croire digne d’elle. »

À cet argument inattendu, Édith resta interdite et sans réponse. Elle fut forcée de reconnaître que la conduite de lord Evandale était aussi délicate que respectueuse.

« Et cependant, dit-elle, telle est la bizarrerie de mon cœur toujours entraîné malgré lui vers le passé, que je ne puis, sans un sinistre pressentiment, penser à remplir ma promesse dans un si court délai ; » et en parlant ainsi elle fondait en larmes. — Nous nous sommes beaucoup occupés de ce pénible sujet, reprit lord Evandale, et vos recherches, ma chère Édith, aussi bien que les miennes, vous ont, j’espère, entièrement convaincue que ces regrets sont inutiles. — Inutiles en effet, dit Édith avec un profond soupir.

Elle entendit ce soupir se répéter dans l’appartement voisin. À ce bruit elle tressaillit, et ne se remit qu’à peine lorsque Evandale lui eut plusieurs fois répété que le bruit qu’elle avait entendu n’était que l’écho de sa propre voix.

Lord Evandale s’efforça de calmer ses alarmes, et de lui faire prendre une résolution, précipitée sans doute, mais la seule qui pût lui assurer une existence convenable à son rang. Il se prévalait de la promesse qu’elle lui avait faite, du désir que lui avait manifesté son aïeule, désir qui était presque un ordre pour elle, de la nécessité d’assurer sa fortune et son indépendance ; et il glissa légèrement sur le si long et si constant attachement qu’il