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La suite de ces illustres dames ne répondait que faiblement à leur naissance et aux modes alors adoptées, puisqu’elle n’était composée que de deux serviteurs à cheval. Nous devons dire que, pour compléter la quotité d’hommes armés que sa baronnie devait envoyer à la revue, la bonne vieille dame avait été obligée de faire de ses domestiques autant de soldats, car elle n’eût pas voulu pour tout au monde se trouver en reste sous ce rapport. Son vieil intendant, la tête couverte d’un casque d’acier et portant de grosses bottes fort lourdes, conduisait sa petite troupe ; il disait avoir sué sang et eau pour vaincre les scrupules de certains vassaux et les subterfuges de quelques fermiers qui devaient fournir hommes, chevaux et harnais pour la revue. Enfin la querelle fut sur le point de dégénérer en hostilité ouverte, l’épiscopal irrité faisant aux récalcitrants les plus terribles menaces, et ceux-ci lui lançant en retour les foudres de l’excommunication calviniste. Que faire ? Il eût été facile de punir les réfractaires. Le conseil privé les aurait condamnés immédiatement à des amendes qu’une troupe de cavalerie se serait chargée de recueillir ; mais agir ainsi, c’eût été appeler le chasseur et les chiens dans le jardin pour y tuer le lièvre.

« Car, dit Harrison en lui même, les pauvres diables ont de bien faibles ressources, et si j’appelle les habits rouges[1], et que ceux-ci leur prennent le peu qu’ils possèdent, comment pourront-ils à la Chandeleur payer leurs rentes à ma vénérable maîtresse ? il est déjà fort difficile de les obtenir d’eux, même en des temps moins malheureux que ceux-ci. »

Ainsi déterminé, Harrison arma le fauconnier, l’oiseleur, le valet de pied, le garçon de ferme, et un vieux ivrogne de sommelier qui avait naguère servi avec le dernier comte Richard, sous les ordres de Montrose, et qui chaque soir étourdissait la famille des exploits qu’il disait avoir accomplis à Kilsythe et à Tippermoor : notre sommelier était à peu près le seul homme de la troupe qui témoignât quelque zèle dans la circonstance.

De cette manière et en recrutant un ou deux braconniers libres et autant de pêcheurs, Harrison compléta le contingent d’hommes armés que devait fournir lady Marguerite Bellenden comme propriétaire de la baronnie de Tillietudlem et autres domaines. Le jour même de la revue, Harrison rassemblait sa troupe dorée devant la porte de fer de la tour, lorsque la mère de Cuddie Headdrig,

  1. Cavaliers anglais. a. m.