Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/322

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à feu ; mais, du reste, ils semblaient plutôt faire partie de la troupe, que la suivre comme prisonniers. On permit à Morton de conserver son épée, qui était, à cette époque, la marque distinctive d’un gentilhomme. Claverhouse semblait prendre plaisir à se tenir près de lui, afin de converser ensemble et de changer l’opinion que son prisonnier avait pu se former de son véritable caractère. L’élégance et l’urbanité des manières de cet officier général, l’élévation chevaleresque de ses sentiments, son dévouement militaire, sa pénétration, sa connaissance profonde du cœur humain, excitaient l’estime et l’admiration de tous ceux qui s’entretenaient avec lui : d’un autre côté, la froide indifférence qu’il affectait pour les violences et les cruautés inséparables de la guerre, s’accordait mal avec ses autres qualités, qui subjuguaient autant par leur amabilité que par leur noblesse. Morton ne put s’empêcher de le comparer à Balfour de Burley ; et cette idée prit sur lui tant d’empire, qu’il laissa échapper quelques mots qui s’y rapportaient, dans un moment où ils marchaient à quelque distance de la troupe.

« Vous avez raison, dit Claverhouse, vous avez raison, nous sommes deux fanatiques. Mais il y a de la différence entre le fanatisme de l’honneur et celui d’une sombre et farouche superstition. — Cependant tous deux vous versez le sang sans pitié comme sans remords, » reprit Morton qui ne pouvait dissimuler ses sentiments. — « Sans doute, répondit Claverhouse ; mais il y a, je crois, quelque différence entre le sang de vénérables prélats, de savants docteurs, de braves soldats, de nobles gentilshommes, et la liqueur rouge qui coule dans les veines de maniaques chanteurs de psaumes, de démagogues au cerveau fêlé, de paysans grossiers. Il y a quelque différence entre répandre un flacon de vin généreux, et briser un pot d’ale trouble. — Votre distinction est trop subtile pour mon intelligence, répliqua Morton ; la vie est un présent de Dieu, celle du paysan, aussi bien que celle du prince : et ceux qui sans droit ou sans nécessité détruisent l’ouvrage du Créateur, en répondront devant lui. Et, par exemple, ai-je plus de droit aujourd’hui à la protection du général Graham que la première fois que je le rencontrai ? — Et qu’il faillit vous en coûter cher, n’est-ce pas ? répondit Claverhouse. Eh bien ! je vous répondrai franchement : alors je croyais n’avoir affaire qu’au fils d’une vieille tête ronde de rebelle, au neveu d’un vieux laird presbytérien : maintenant je vous connais mieux. J’ai découvert