Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/305

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cèrent à s’établir sur le pont et à écarter tous les objets qui servaient à défendre le passage. La porte de l’arche fut brisée ; les poutres, les troncs d’arbres, et les autres matériaux qui formaient la barricade, furent enlevés et jetés dans la rivière, non toutefois sans résistance. Morton et Burley combattaient à la tête de leurs partisans, et les encourageaient à opposer leurs piques, leurs pertuisanes et leurs hallebardes aux bayonnettes des gardes à pied et aux larges épées des Highlanders. Mais à la vue d’un combat si inégal, ceux qui étaient aux derniers rangs commencèrent à plier et à s’enfuir un à un, ou par troupes de deux ou trois, vers le gros de l’armée ; et bientôt les autres furent forcés d’abandonner le pont, autant par le poids des colonnes ennemies que par le choc de leurs armes. Le passage étant ouvert, l’ennemi commença à le traverser ; mais comme il était long et étroit, ce mouvement fut lent et périlleux : ceux qui passèrent les premiers durent encore enlever les maisons par les fenêtres desquelles les presbytériens continuaient à faire feu. Burley et Morton étaient près l’un de l’autre dans ce moment critique.

« Il est encore temps, dit le premier, de les attaquer avec la cavalerie, avant qu’ils aient formé leurs lignes : nous pourrons ainsi, avec l’aide de Dieu, reprendre le pont. Hâtez-vous d’aller la chercher, pendant que je ferai à nos amis un rempart de mon corps, tout vieux et tout épuisé qu’il est. »

Morton comprit l’importance de cet avis, et s’élançant sur un cheval que Cuddie tenait tout prêt pour son maître, derrière un bouquet d’arbres, il courut au galop vers un corps de cavalerie qui était peu éloigné ; mais par malheur ce corps était entièrement composé de caméroniens, et avant que Morton eût pu leur expliquer son message, ou leur donner ses ordres, il fut salué par des imprécations générales.

« Il fuit ! s’écrièrent-ils ; le lâche, le traître, il fuit comme un lièvre devant les chasseurs ! Il a abandonné le brave Burley au milieu du carnage. — Je ne fuis pas, répondit Morton ; je viens pour vous conduire à l’attaque. Marchez avec courage ; et nous pourrons encore rétablir nos affaires. — Ne le suivez pas, ne le suivez pas : il vous a vendus au glaive de l’ennemi ! telles furent les exclamations tumultueuses qui retentirent dans les rangs.

Tandis que Morton employait inutilement la persuasion, les ordres, les prières, le moment d’attaquer avec succès était passé : le pont, les maisons qui le protégeaient venaient d’être enlevés