Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/26

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que de résignation, en pensant que bientôt je pourrais avoir besoin de ses bons offices. Mais quoique, selon toute probabilité humaine, il ne se trompât point en supposant que le cours de mes jeunes ans pût être abrégé, il avait trop présumé de la durée de son pèlerinage ici-bas. Depuis quelques années on ne voit plus le Vieillard parcourant les campagnes ; la mousse, le lichen, couvrent déjà une partie de ces pierres qu’il avait passé sa vie à réparer. Vers le commencement de ce siècle la mort vint mettre fin à ses pieux travaux ; on le trouva sur le grand chemin près de Lokerby, dans le comté de Dumfries, épuisé de fatigue et rendant le dernier soupir. Son vieux cheval, le compagnon de tous ses voyages, se tenait aux côtés de son maître mourant. On trouva sur lui une somme d’argent suffisante pour subvenir aux frais d’une sépulture simple et décente : circonstance qui prouve évidemment que sa mort ne fut hâtée ni par la violence ni par le besoin. Le peuple a encore pour sa mémoire une profonde vénération ; quelques-uns pensent que les pierres qu’il répara n’auront plus à l’avenir besoin des secours du ciseau. Ils assurent même que, depuis la mort du Vieillard, on voit sur les tombeaux où sont rappelés les supplices des martyrs de la foi, leurs noms tracés en caractères indélébiles, tandis que ceux de leurs persécuteurs ont été entièrement effacés. Il est inutile de dire ici que toutes ces assertions sont le résultat d’une imagination passionnée, et que, depuis la mort du pieux pèlerin, les tombes qui furent l’objet de ses soins, subissent chaque jour, comme tous les monuments terrestres, les irréparables outrages du temps.

Mes lecteurs concevront sans peine qu’en formant un seul ouvrage de quelques-unes des anecdotes que je tiens du Vieillard lui-même, j’ai été loin d’adopter son style, ses opinions, ses récits même, lorsqu’ils me paraissaient dénaturés par l’esprit de parti. Je me suis efforcé de les corriger ou de les vérifier d’après des traditions puisées dans les sources les plus authentiques, et qu’ont bien voulu me procurer les personnes de l’un et de l’autre parti.

Pour ce qui concernait les presbytériens j’ai consulté les habitants de ces fermes des marais situées dans les districts de l’ouest, et qui, grâce à la bonté de leurs seigneurs ou à toute autre circonstance, furent assez heureux pour pouvoir conserver, en dépit des changements répétés que subirent généralement les domaines, les pâturages sur lesquels leurs ancêtres conduisaient leurs trou-