Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/181

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approchaient du haut de la montagne qu’ils avaient descendue dans un moment malheureux, la terreur panique augmentait. Chacun devenait impatient de placer le sommet de la colline entre lui et le feu continuel de l’ennemi ; et aucun d’eux ne pouvait se résoudre à se retirer le dernier, et à sacrifier ainsi sa propre sûreté pour celle des autres. Aussi, plusieurs cavaliers piquèrent des deux et s’enfuirent réellement, et les autres devinrent si incertains dans leurs mouvements, que leurs officiers craignirent à chaque instant de leur voir suivre le même exemple.

Au milieu de cette scène de confusion et de sang, du piétinement des chevaux, des gémissements des blessés, du feu continuel de l’ennemi, qui tirait sans relâche et poussait de grands cris à chaque balle que la chute d’un cavalier prouvait avoir été bien ajustée ; lorsque les chefs se demandaient s’ils ne seraient pas bientôt tout à fait abandonnés par leurs soldats découragés, Evandale ne put s’empêcher de remarquer le calme de son commandant. Le matin même, à la table de lady Marguerite, son œil n’était pas plus vif et son maintien plus calme. Il s’était approché d’Evandale pour donner quelques ordres et prendre des hommes pour renforcer son arrière-garde.

« Si cela continue encore cinq minutes, » dit-il tout bas, « nos coquins nous laisseront, à vous, milord, au vieux Allan, et à moi-même, l’honneur d’achever la bataille de nos propres mains. Il faut que je fasse quelque chose pour disperser les tirailleurs qui les incommodent tant, ou nous serons tous déshonorés. Ne cherchez pas à me secourir si vous me voyez tomber, mais restez à la tête de nos hommes ; retirez-vous comme vous pourrez ; au nom de Dieu, et dites au roi et au conseil que j’ai péri en faisant mon devoir ! »

En disant ces mots, et ordonnant à vingt hommes d’élite de le suivre, il fit, à la tête de ce petit corps, une charge si vive et si imprévue, qu’il repoussa les ennemis les plus avancés. Dans la confusion de cette attaque, il chercha Burley, et, désirant jeter la terreur parmi sa troupe, il lui porta sur la tête un coup si violent, qu’il traversa son casque d’acier et le précipita à bas de son cheval, étourdi pour un moment, mais non blessé. On regarda ensuite comme une chose étonnante qu’un homme aussi robuste que Burley eût succombé sous le coup d’un homme aussi faiblement constitué en apparence que Claverhouse ; et le vulgaire ne manqua pas d’attribuer à un secours surnaturel l’effet de cette