Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/168

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seuls individus de l’armée des insurgés qui parussent en mouvement : tous les autres se tenaient fermes et aussi immobiles que les pierres grises éparses sur la bruyère autour d’eux.

Le nombre total des insurgés pouvait monter à mille hommes ; mais il n’y avait guère qu’une centaine de cavaliers, et la moitié au plus était passablement armée. Quoi qu’il en soit, la force de leur position, l’idée qu’ils s’étaient engagés dans un pas désespéré, la supériorité de leur nombre, mais par-dessus tout l’ardeur de leur enthousiasme, tels étaient les moyens sur lesquels leurs chefs comptaient pour suppléer au défaut d’armes, d’équipement et de discipline militaire.

Sur le revers de la montagne qui dominait le champ de bataille, on voyait les femmes et même les enfants, que leur zèle contre la persécution avait poussés dans le désert. Ils paraissaient stationnés pour être témoins de l’engagement qui devait décider de leur sort et de celui de leurs pères, de leurs époux, de leurs fils. Semblables aux femmes des anciennes tribus germaniques, elles poussèrent des cris aigus, quand elles virent les rangs étincelants de leurs ennemis paraître sur la cime de la colline opposée : ces malheureux semblaient ainsi exhorter leurs parents à combattre jusqu’à la mort pour défendre les objets de leurs affections. Une exhortation de cette nature produisit un effet électrique et difficile à décrire ; un cri sauvage, qui partit des rangs des insurgés, annonça qu’ils étaient disposés à combattre jusqu’au dernier soupir.

Quand les cavaliers se furent arrêtés sur le plateau de la montagne, leurs trompettes et leurs tymbales firent entendre une fanfare guerrière de menace et de défi, qui retentit dans le désert comme l’appel effrayant de l’ange exterminateur. Les persécutés y répondirent en réunissant leurs voix, et en chantant sur un ton solennel les deux premiers versets du soixante-seizième psaume, d’après la traduction en vers de l’Église écossaise :

« Dans la terre de Juda Dieu est bien connu ; son nom est dans le grand Israël ; dans Salem est son tabernacle ; dans Sion est son trône.

« Là il a brisé les flèches de l’arc, le bouclier, l’épée, et tous les instruments de la guerre. Seigneur, tu es plus glorieux que les montagnes où se fait le butin : tu es bien plus excellent. »

Un cri, ou plutôt une acclamation générale, suivit ces deux stances ; et après un instant de morne silence les insurgés reprirent le second verset, qui semblait leur prophétiser le résultat de la bataille qui allait se livrer :