Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/156

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— Votre mère est leur prisonnière aussi ? » demanda Morton, sachant à peine ce qu’il disait. — En vérité, oui, à cheval là derrière, comme une mariée, avec cette vieille tête de ministre qu’ils appellent Gabriel Kettledrummle[1]. Du diable s’il n’aurait pas mieux valu qu’il fût dans le fond d’une chaudière ou d’un tambour ! c’est ce que je souhaiterais bien pour ma part. Voyez-vous, nous ne fûmes pas plus tôt chassés des portes de Milnwood, que votre oncle et la femme de charge nous avaient fermées au nez et avaient barricadées derrière nous, comme si nous avions eu la peste, que je dis à ma mère : Comment allons-nous faire maintenant ? le moindre trou, la moindre tanière du pays nous sera interdite à présent que vous avez résisté à la vieille lady, et laissé prendre le jeune Milnwood par les cavaliers. Alors elle me répondit : Ne t’afflige pas, mais ceins-toi pour la grande œuvre du jour, et donne ton témoignage comme un homme sur la montagne du Covenant. — Et alors vous allâtes sûrement à un conventicule ? dit Morton. — Vous allez voir, continua Cuddie. Ne sachant trop que faire, je l’accompagnai chez une vieille bonne femme comme elle, où l’on nous donna de l’eau et des gâteaux d’avoine ; elles dirent bien des prières ennuyeuses, et chantèrent bien des cantiques, et elles me laissèrent aller coucher, car j’étais à moitié mort d’ennui. Eh bien ! elles me firent lever au petit jour, et je vis qu’il fallait aller avec elles, bon gré mal gré, à une grande assemblée de leurs gens aux Miry-Sikes ; et là, notre homme, Gabriel Kettledrummle, s’époumonait en leur criant d’élever leur témoignage, et d’aller à la bataille de Ramoth-Gilead, ou quelque endroit semblable. Oh, monsieur Henri ! vous pouvez m’en croire, le rustre leur prêchait sa doctrine avec une telle force que vous l’auriez entendu à la distance d’un mille sous le vent. Il beuglait comme une vache dans le loaning[2]. Mais me disais-je moi-même, il n’y a pas d’endroit dans ce pays qu’on appelle Ramoth-Gilead, il faut que ce soit quelque partie des marais de l’ouest ; et quand nous serons là, je m’échapperai avec ma mère, car je ne veux pas fourrer mon cou dans un nœud coulant, pas pour tous les Ketlledrummle du pays. Eh bien, » continua Cuddie, qui se soulageait en racontant ses malheurs, sans s’inquiéter beaucoup du degré d’attention que son compagnon prê-

  1. Mot qui littéralement signifie cymbale ; séparément kettle veut dire chaudière, et drum, tambour. L’interlocuteur joue ici sur un mot. a. m.
  2. Endroit où l’on trait les vaches en Écosse. a. m.