Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/150

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fois la même question. — C’en est assez, » reprit Claverhouse avec calme ; « votre langage s’accorde avec tout ce que j’ai appris de vous ; mais vous êtes le fils d’un militaire, quoiqu’il ait été rebelle, et vous ne mourrez pas de la mort d’un chien ; je vous épargne cette indignité. — De quelque manière que je meure, reprit Morton, je mourrai comme le fils d’un brave, et l’ignominie dont vous parlez retombera sur ceux qui versent le sang innocent. — Faites donc votre paix avec le ciel : vous avez cinq minutes. Bothwell, conduisez-le dans la cour et faites ranger votre troupe. »

Cette effrayante conversation et son résultat avaient jeté dans le silence et l’horreur tous les assistants, hors les deux personnes qui parlaient. Mais alors éclatèrent les remontrances et les clameurs. La vieille lady Marguerite, qui, malgré les préjugés de son rang et de son parti, n’avait pas oublié les sentiments qui appartiennent à son sexe, intercédait hautement :

« Colonel Graham, s’écria-t-elle, épargnez la jeunesse de cet imprudent : qu’il soit jugé par les lois. Ne reconnaissez pas mon hospitalité en versant le sang humain sur le seuil de ma porte ! — Colonel Graham, dit le major Bellenden, vous répondrez de cette violence. Ne croyez pas que, quoique je sois vieux et faible, mes yeux verront impunément assassiner le fils de mon ami. Je trouverai des amis auxquels il faudra bien que vous en répondiez. — Soyez satisfait, major Bellenden, j’en répondrai, » reprit Claverhouse inexorable ; « et vous, madame, épargnez-moi le déplaisir de résister de nouveau à votre vive intercession. Songez au noble sang que votre propre maison a perdu par des hommes semblables à celui-ci. — Colonel Graham, » reprit la vieille dame tremblante d’anxiété, « je laisse la vengeance à Dieu, à qui seul elle appartient. En répandant le sang de ce jeune homme, rappellerez-vous à la vie les êtres qui m’étaient chers ? Quelle consolation voulez-vous que j’éprouve en songeant que peut-être une autre veuve aura été privée de son enfant, comme moi-même, par un acte exécuté dans ma maison ? — Agir autrement serait de ma part une extravagance sans égale, dit Claverhouse ; il faut que je fasse mon devoir envers l’Église et envers l’État. Près d’ici sont mille scélérats en révolte déclarée, et vous me demandez la grâce d’un jeune fanatique, qui suffirait à lui seul pour mettre en feu tout un royaume. C’est impossible… Emmenez-le, Bothwell. »

Celle qui était le plus intéressée dans cette terrible décision avait deux fois tenté de parler, mais la voix lui avait manqué to-