Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/141

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sera bientôt de retour, et se retrouvera ce qu’il ne cessera jamais d’être, le cher et précieux ami de tous dans ce château. — De tous, » répéta-t-il en appuyant sur ce mot avec une expression mélancolique : « puisse-t-il en être ainsi… tout ce qui vous est proche m’est cher et précieux, et j’attache le plus grand prix à l’approbation de tout ce qui tient à vous. Quant à notre succès, je n’y compte pas beaucoup. Nous sommes en si petit nombre que je n’ose espérer que ces malheureuses dissensions puissent finir bientôt et sans une grande effusion de sang. Ces hommes sont enthousiastes, résolus et exaspérés ; ils ont des chefs qui ne sont pas tout à fait dépourvus de talents militaires. Je ne puis m’empêcher de penser que l’impétuosité de notre colonel nous entraîne contre eux un peu prématurément ; mais il en est peu qui aient moins de raisons que moi de fuir les dangers. »

Une occasion favorable se présentait alors à Édith pour prier le jeune lord d’intercéder en faveur de Morton et de le protéger. Elle n’avait plus que cette seule ressource pour dérober son amant à la mort. Cependant il lui sembla qu’en s’adressant à Evandale elle allait abuser de la confiance de l’homme dont le cœur s’était ouvert à elle et qui venait à l’instant même de lui faire une déclaration positive. Pouvait-elle sans blesser la délicatesse engager lord Evandale à servir un rival ? Pouvait-elle prudemment lui adresser la moindre prière, recevoir de lui quelque service, sans faire naître en sa faveur des espérances qu’elle ne pourrait jamais réaliser ? Mais le moment était trop pressant pour hésiter, ou même pour entrer dans des explications qui auraient pu faire penser que sa prière n’avait en vue que l’intérêt de l’humanité.

« Il faut nous défaire de ce jeune homme, » dit Claverhouse de l’autre bout de la salle. « Lord Evandale… je suis fâché d’interrompre encore votre conversation… mais il nous faut partir… Bothwell, pourquoi ne faites-vous pas monter le prisonnier ? Écoutez, commandez à deux files de soldats de charger leurs carabines. »

Édith crut entendre dans ces paroles l’arrêt de mort de son amant. Elle oublia aussitôt toute la retenue qui l’avait contrainte au silence.

« Milord Evandale, ce jeune gentilhomme est un ami intime de mon oncle… votre influence doit être grande auprès de votre colonel… permettez-moi de solliciter votre intercession en sa