Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/127

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s’écria la vieille dame. Je ne puis parler à personne dans ce moment… Est-ce vous, mon cher frère ? » continua-t-elle avec quelque surprise quand le major entra ; « voici une visite bien matinale. — Je n’en serai pas moins bien accueilli J’espère, » reprit le major Bellenden en saluant la veuve de son frère ; « mais j’ai appris par un billet qu’Édith a envoyé à Charnwood pour demander quelques vêtements et des livres, que vous deviez avoir Claverhouse ici ce matin ; j’ai pensé alors moi, vieux soldat, j’ai pensé que je ne serais pas fâché de causer avec ce jeune et brillant militaire. J’ai ordonné à Pike de seller Kilsythe, et nous voici tous deux — Soyez donc le bienvenu ! dit la vieille dame ; c’est justement ce que je vous aurais prié de faire si j’avais cru en avoir le temps. Vous voyez que je suis très-occupée de préparatifs. Il faut que tout soit dans le même ordre que le jour où… — le roi déjeuna à Tillietudlem, » dit le major qui, ainsi que tous les amis de lady Marguerite, redoutait le commencement de cette histoire et voulait y couper court ; « je me rappelle bien ce jour : vous savez que ce fut moi qui servis Sa Majesté. — C’est vrai, mon frère, dit lady Marguerite, et peut-être pourrez-vous m’aider à me rappeler l’ordre du festin. — Non, je vous assure, dit le major : le dîner maudit que Noll nous donna à Worcester quelques jours après, chassa toute votre bonne chère de ma mémoire. Mais quoi ! vous avez placé ici le grand fauteuil en cuir de Turquie et les coussins de tapisserie ? — Le trône, mon frère, s’il vous plaît, » dit gravement lady Marguerite. — Eh bien ! le trône, soit, continua le major ; doit-il servir de siège à Claverhouse quand il attaquera le pâté ? — Non, mon frère, dit la dame : comme ces coussins ont été honorés jadis par la personne de notre très-saint monarque, ils ne seront jamais, s’il plaît au ciel, pendant ma vie, occupés par un personnage d’un rang inférieur à celui de Sa Majesté. — Vous ne devriez pas alors, dit le vieux soldat, les mettre à la portée d’un brave et vieux soldat qui a fait dix milles à cheval avant le déjeuner ; car, à dire vrai, il est difficile de résister à la tentation. Mais où est Édith ? — Sur la tour du guet, répondit la vieille dame ; elle y attend l’arrivée de nos hôtes. — Eh bien ! je vais y aller, et je vous y accompagnerai même, lady Marguerite, dès que vous aurez arrangé convenablement votre ligne de bataille. C’est une jolie chose, je vous assure, que de voir un régiment de cavalerie en marche. »

En même temps il lui offrit son bras d’un air de galanterie