Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/103

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et c’est là que nous avions une belle carrière ; cela m’a bien fait la main pour le service du pays. Mais, allons, puisque vous voulez être bon camarade, ainsi que disent les Espagnols, il faut que je garnisse votre bourse de quelques-unes des larges pièces de votre oncle. Telle est notre loi ; nous ne voulons pas voir un joli garçon dans le besoin, si nous avons de l’argent dans notre poche. »

En disant ces mots il tira sa bourse, y prit de l’argent et l’offrit à Henri sans le compter. Le jeune Morton refusa cette faveur, sans juger à propos cependant de dire à Bothwell, malgré son air de générosité, qu’il avait en poche quelques pièces, et il assura qu’il n’aurait pas de peine à en obtenir de son oncle.

« Eh bien ! dit Bothwell, dans ce cas ces pièces d’or serviront à garnir ma bourse un peu plus long-temps. J’ai pour principe de ne jamais quitter le cabaret, à moins que mon devoir ne me l’ordonne, tant que ma bourse est assez lourde pour la lancer par-dessus l’enseigne[1]. Quand elle est trop légère et que le vent la renvoie, alors mes bottes et à cheval… Il faut chercher quelque moyen de la remplir… Mais quelle est cette tour qui s’élève au milieu des bois sur cette hauteur escarpée. — C’est la tour de Tillietudlem[2], dit un des soldats. La vieille lady Marguerite Bellenden demeure là ; c’est une des meilleures femmes du pays et l’amie du soldat. Quand je fus blessé par un de ces maudits républicains, qui, caché derrière une chaussée, avait fait feu sur moi, je restai un mois chez lady Bellenden, et j’endurerais bien encore une pareille blessure pour me retrouver dans un si bon quartier. — S’il en est ainsi, dit Bothwell, il faut que je lui présente mes respects en passant, et que je la prie de fournir quelques rafraîchissements aux hommes et aux chevaux ; j’ai déjà aussi soif que si je n’avais rien bu à Milnwood. Mais dans ces temps-ci, » reprit-il en s’adressant à Henri, « il est fort avantageux que les soldats du roi ne passent pas devant une maison sans y obtenir des rafraîchissements. Dans les maisons comme celle de Tilie… comment l’appelez-vous ? on vous sert par amour ; dans celles des

  1. « Un laird highlander, dont l’originalité vit encore dans le souvenir de ses compatriotes, réglait ainsi son séjour à Édimbourg. Chaque jour il se rendait à ce qu’on appelle le Water gate de Canongate, sur lequel existe une arche en bois. Comme les espèces étaient alors la monnaie courante, il jetait sa bourse par dessus la porte. Tant que son poids la faisait passer par dessus, il continuait le cercle de ses plaisirs dans la métropole ; quand elle était trop légère, il jugeait qu’il était temps de se retirer dans les montagnes. Combien de fois, ajoute Walter Scott, aurait-il répété cet essai à Temple-Bar, À Londres ?
  2. Il y a encore des ruines de ce nom, à ce qu’on assure, près de Lamark. a. m.