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nement son esprit incertain flotte au gré d’une foule de soins et de sentiments contraires. Messape, qui, dans sa course rapide, tenait à la main deux flexibles javelots, armés de fer, en balance un avec vigueur, et le lance d’une main sûre contre le héros. Énée s’arrête, et, fléchissant le genou, s’abrite sous son bouclier ; mais le javelot atteignit le sommet du casque, dont il abattit la haute aigrette. La fureur d’Énée est à son comble : honteux de se voir le jouet et la victime d’une ruse qui lui présente et lui ravit tour à tour son ennemi, il prend à témoin Jupiter et les autels, garants de la foi violée : il se jette, terrible, au milieu de la mêlée ; il immole sans pitié et au hasard tout ce qui s’offre à ses coups ; sa rage ne connaît plus de frein.

Quel dieu va maintenant me retracer, quels chants pourront décrire tant d’horreurs et de carnage, et le trépas de tant de héros immolés tour à tour par Turnus et par le héros troyen ? Comment permis-tu, ô Jupiter, ce choc effroyable entre des peuples que devait unir une éternelle paix ?

Énée se jette sur le Rutule Sucron (et ce premier combat suspend la fougue des Troyens) : il le frappe dans le flanc ; et, par le chemin de la plus prompte mort, il lui plonge sa terrible épée entre les côtes, ce rempart qui s’étend devant la poitrine pour la