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plaines. Pourquoi revenir tant de fois sur mes pas ? Pourquoi changer follement de pensée ? Si je suis prêt à faire alliance avec les Troyens après la mort de Turnus, pourquoi plutôt ne pas terminer la guerre, quand Turnus est vivant ? Que diront les Rutules, mes alliés, que dira le reste de l’Italie, si je vous livre au trépas (que le sort démente mes paroles !) pour avoir recherché ma fille et mon alliance ? Songez aux hasards de la guerre ; prenez pitié de votre vieux père qui gémit loin de vous, dans Ardée, votre patrie. »

Loin de calmer l’irritation de Turnus, ces paroles ne font qu’aigrir et envenimer la blessure de son cœur ulcéré. Dès qu’il lui fut possible de parler, il répondit en ces termes : « Quittez, mon père, quittez, dans mon intérêt même, cette sollicitude, et laissez-moi chercher la gloire au prix du trépas. Nous aussi, nous savons, d’une main exercée, lancer un fer vigoureux, et le sang suit de près les coups que nous portons. La déesse, sa mère, ne sera pas toujours là pour couvrir d’un nuage la lâcheté de sa fuite, en se cachant elle-même dans une ombre vaine. »

Cependant la reine, effrayée des chances de ce nouveau combat, pleurait, et, mourante de douleur, s’efforçait de modérer l’ardeur de son gendre : « Turnus, par ces larmes que vous me voyez répandre, par la gloire d’Amate, si un tel motif peut encore vous