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des vaincus et des morts : Énée doit épargner ceux qu’il appelait naguère du nom d’hôtes et de beau-père.

Le pieux héros accueille avec bonté leurs justes demandes, et il ajoute ces mots : « Peuples latins, quelle fâcheuse destinée vous a engagés dans cette guerre funeste ? et pourquoi avoir repoussé notre amitié ? Vous demandez la paix pour les morts, pour ceux qu’a frappés le sort des combats !… que ne puis-je l’accorder aussi aux vivants ! jamais je ne serais venu en ces lieux, sans l’ordre des destins qui y marquaient ma demeure. Ce n’est point à la nation que je fais la guerre ; mais votre roi a dédaigné mon alliance pour me préférer celle de Turnus. C’était donc à Turnus d’épargner le sang qui a coulé, en venant se mesurer avec moi, s’il voulait en effet terminer la guerre par le glaive et chasser les Troyens de l’Italie. Il vivrait, celui des deux à qui son bras ou le ciel eussent assuré la vie. Allez maintenant, et livrez aux flammes du bûcher vos malheureux concitoyens. »

Ainsi parle Énée. Frappés d’étonnement, les envoyés se regardaient en silence. Alors le vieux Drancès, qu’une longue inimitié anime sans cesse contre le jeune Turnus, prend la parole en ces termes : « Héros, dont les exploits surpassent de si loin l’éclatante renommée, quels éloges pourraient dignement célébrer tant