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réfugie dans quelque antre écarté, sur le bord d’un fleuve, ou dans les flancs d’un rocher escarpé : il s’y tient caché tant que dure l’orage, et attend que le soleil de retour lui permette de reprendre ses travaux. Tel, assailli de tous côtés d’un nuage de traits, Énée brave l’effort de la tempête et attend que la foudre ait cessé de gronder. C’est Lausus qu’il gourmande, Lausus qu’il menace. « Pourquoi courir à la mort ? ton audace est plus grande que tes forces ; ton aveugle tendresse pour ton père t’abuse. » Mais Lausus n’écoute que son ardeur imprudente : une violente colère s’allume dans le cœur d’Énée, et les Parques filent les derniers moments de Lausus. Énée lui enfonce sa terrible épée au milieu du corps, et l’y plonge tout entière. La pointe traverse le bouclier, trop faible armure de l’audacieux, et la tunique dont sa mère avait tissu l’or flexible : le sang inonde son sein ; sa vie quitte à regret son corps et s’envole chez les Mânes.

À l’aspect de ce pâle visage, si cruellement défiguré par la mort, le fils d’Anchise gémit, vivement ému, et tend une main compatissante : son cœur paternel s’attendrit en pensant à son fils Iule : « Maintenant, s’écrie-t-il, que puis-je faire, ô malheureux enfant ! pour honorer dignement tant de courage et de vertu ? Ces