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pleurant, votre cœur ne m’accorderait-il pas ce que votre bouche semble craindre de me promettre : la vie de Turnus ? mais si je ne m’abuse, malgré son innocence, une mort funeste lui est réservée. Oh ! que ne suis-je le jouet d’une vaine terreur, et que ne voulez-vous, car vous le pouvez, revenir sur le fatal décret ! »

À ces mots, elle s’élance des hauteurs du ciel ; enveloppée d’un nuage, elle traverse rapidement les airs, s’avance vers l’armée Troyenne et le camp des Latins. Alors, ô prodige ! la déesse, avec une vapeur de ce nuage, forme, à l’image d’Énée, une ombre légère et sans force, qu’elle revêt des armes du héros : elle imite son bouclier, l’aigrette qui flotte sur sa tête divine, lui prête de vaines paroles, des sons sans idées, et lui donne la démarche du fils d’Anchise. Telles apparaissent, dit-on, après le trépas, les ombres des morts ; tels encore les songes légers se jouent des sens assoupis. Cependant le faux Énée se présente fièrement devant les rangs ; il défie Turnus au combat, et le provoque par des paroles outrageuses. Turnus le presse et lui lance un javelot qui fend l’air en sifflant : le fantôme tourne le dos, et prend la fuite. Persuadé que son rival cède et se reconnaît vaincu, Turnus triomphe, et son cœur abusé s’enivre d’un chimérique espoir : « Où fuis-tu, Énée ? renonces-tu donc à l’hyménée qui t’est promis ? Cette contrée, que tu as cherchée à travers tant de