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d’Euryale et de Nisus, que l’armée suit en poussant de grands cris. Les Troyens aguerris ont déployé toutes leurs forces sur le côté gauche des remparts ; car leur droite est bordée par le fleuve : ils gardent leurs larges fossés, et se tiennent avec tristesse sur leurs tours élevées : ils voient en même temps, au bout des piques, ces têtes, hélas ! trop connues, et d’où découle un sang noir et épais.

Déjà la Renommée aux ailes rapides a répandu l’affreuse nouvelle dans la ville épouvantée ; ce bruit arrive bientôt aux oreilles de la mère d’Euryale, et soudain la chaleur abandonne les membres de cette infortunée. Les fuseaux échappent de ses doigts ; son ouvrage tombe à ses pieds. Éperdue, hors d’elle-même, s’arrachant les cheveux, et poussant des cris lamentables, elle se précipite vers les remparts, et s’élance aux premiers rangs : les guerriers, les périls, les traits de l’ennemi, elle oublie tout ; puis elle remplit les airs de ses plaintes :

« Euryale, c’est donc toi que je vois ? toi qui devais être le dernier appui de ma vieillesse, as-tu bien pu, cruel, me laisser seule ? Quand tu courais à de si grands périls, ta malheureuse mère n’a pu te dire le dernier adieu ! Hélas ! sur une terre inconnue, tu vas être la proie des chiens et des vautours ! et ta mère ne t’a point rendu les devoirs funèbres, fermé tes yeux,