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Déjà les deux guerriers ont franchi les fossés, et pénétré, à la faveur des ombres, dans ce camp qui doit leur être fatal, mais où ils porteront auparavant le carnage et la mort. Ils voient des guerriers étendus çà et là sur l’herbe et ensevelis dans le sommeil et dans le vin ; des chars dételés sur le rivage ; des hommes couchés entre les roues et les harnais ; des armes et des coupes confondues au hasard : « Euryale, dit Nisus, c’est ici qu’il nous faut oser ; l’occasion nous appelle, et voici le chemin. Toi, pour qu’aucune troupe ennemie ne puisse nous surprendre par derrière, veille, et observe au loin. Je me charge, moi, de t’ouvrir, par le carnage, une large route. »

À ces mots, il fond silencieusement, le glaive en main, sur le superbe Rhamnès, qui, endormi sur un amas de tapis, exhalait à pleine poitrine un ronflement profond : roi lui-même, et de plus augure cher au roi Turnus ; mais sa vaine science ne put détourner le coup qui le frappa. Près de lui, trois esclaves étaient couchés au hasard parmi les armes : Nisus les immole, ainsi que l’écuyer de Rémus, et le conducteur de son char, étendu sous ses chevaux, et dont il tranche le cou qui pendait sur sa poitrine. Puis il abat la tête de Rémus lui-même, et le tronc palpite dans un sang noir qui baigne à gros bouillons le lit et la terre fumante. Il égorge aussi Lamyrus, Lamus, le jeune et beau Sarranus qui,