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triomphe sur les flots, crie à Ménète, son pilote : « Pourquoi vas-tu si loin à droite ? Tourne de ce côté ! serre les flancs du rocher ; effleure-les, à gauche, de tes rames : laisse aux autres la pleine mer ! » Il dit ; mais le vieux pilote, craignant les écueils cachés sous l’onde, détourne sa proue et gagne le large. « Où vas-tu, Ménète ? et pourquoi ce détour ? rapproche-toi du rocher ! » C’est ainsi que Gyas parlait encore, quand il voit derrière lui Cloanthe qui le presse, se rapproche à gauche, glisse entre son vaisseau et le rocher retentissant, passe comme un trait, le devance, atteint le but, le tourne, revient, et, vainqueur, vogue désormais sans péril. Alors un violent chagrin enflamme le cœur du jeune guerrier ; des pleurs coulent sur ses joues ; et, oubliant les soins de sa gloire et la sûreté de ses compagnons, il précipite du haut de la poupe dans les flots le timide Ménète, et prend lui-même le gouvernail ; nouveau pilote, il excite les rameurs, et tourne sa proue vers le rocher. Cependant, quoique appesanti par l’âge et par le poids de ses vêtements, d’où l’eau ruisselle, Ménète remonte avec peine du fond de l’abîme, gravit la cime du rocher et s’assied à sec sur la pierre. Les Troyens avaient ri de sa chute et de sa lenteur à lutter contre les flots : ils rient encore en le voyant revomir l’onde amère.