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porta, dit-on, les pénates de Troie, et chargea sur ses épaules son père accablé par les ans ! Et je n’ai pu déchirer son corps en lambeaux, et le disperser dans les ondes ! Je n’ai pu égorger ses compagnons et son Ascagne lui-même, et lui en faire un horrible festin ! Mais, dans ce combat, la fortune pouvait être douteuse… N’importe ! qu’avais-je à craindre, résolue à mourir ? j’aurais porté la flamme dans son camp, embrasé ses vaisseaux, immolé et le fils et le père, et toute leur race, et moi-même après eux !

« Soleil, qui de tes feux éclaires toutes les choses de ce monde ; et toi, Junon, témoin et confidente de mes tourments ; Hécate, toi que, dans les carrefours des cités, on invoque par de nocturnes hurlements ; et vous Furies vengeresses, et vous, dieux d’Élise mourante, écoutez ma voix : frappez les criminels d’un châtiment mérité, et accueillez ma prière ! S’il faut que le scélérat arrive au port, et qu’il échappe à la fureur des ondes ; si c’est la volonté de Jupiter, si tel est le terme fixé par les destins à ses voyages, que du moins, assailli par les armes d’un peuple belliqueux, chassé de son asile, arraché aux embrassements d’Iule, il mendie un secours étranger, et qu’il voie les tristes funérailles des siens ! et qu’après avoir subi la loi d’une paix honteuse, il ne jouisse ni du sceptre, ni de la douce lumière ; mais qu’il meure