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Mais, pour entretenir la vigueur des taureaux et des coursiers, le plus sûr moyen est d’éloigner d’eux l’amour et ses aiguillons dangereux. C’est pour cela qu’on relègue le taureau dans des pâturages solitaires ; qu’on le sépare du troupeau par une montagne ou par un large fleuve, et qu’on le garde à l’étable, auprès d’une ample pâture. Car la vue de la génisse mine ses forces et les consume insensiblement. Pour elle, il oublie et les forêts et le pâturage. C’est elle encore dont les charmes puissants forcent souvent deux superbes rivaux à combattre à coups de cornes. Tranquille, la belle génisse erre en liberté dans les forêts de Sila, tandis que ses amants se livrent une horrible guerre, et se couvrent de blessures ; un sang noir ruisselle le long de leurs flancs. Front contre front, ils enlacent leurs cornes et s’entre-choquent avec d’affreux mugissements, qui font retentir et les forêts et les vastes cieux. Désormais une même étable ne les peut réunir ; le vaincu s’exile ; il va, gémissant, cacher sur des bords lointains la honte de sa défaite, les blessures qu’il a reçues d’un orgueilleux vainqueur, et ses amours perdues sans vengeance ; et, l’œil tourné vers l’étable, il s’éloigne lentement de l’empire de ses aïeux. Aussi, sans relâche, il exerce ses forces. La nuit, couché sur d’arides rochers, il se nourrit de ronces et de feuilles amères ;