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image de ce qui se cache à leur vue ; donc nous n’aimons alors les qualités sensibles que comme les organes de notre plaisir, et avec subordination aux qualités insensibles dont elles sont l’expression ; donc il est au moins vrai que l’âme est ce qui nous touche le plus. Or ce n’est pas aux sens que l’âme est agréable, mais à l’esprit ; ainsi l’intérêt de l’esprit devient l’intérêt principal, et si celui des sens lui était opposé, nous le lui sacrifierions. On n’a donc qu’à nous persuader[1] qu’il lui est vraiment opposé, qu’il est une tache pour l’âme voilà l’amour pur.

Amour cependant véritable, qu’on ne saurait confondre avec l’amitié car, dans l’amitié, c’est l’esprit qui est l’organe du sentiment ; ici ce sont les sens. Et comme les idées qui viennent par les sens sont infiniment plus puissantes que les vues de la réflexion, ce qu’elles inspirent est passion. L’amitié ne va pas si loin[2].

37. — De la physionomie.

La physionomie est l’expression du caractère et celle du tempérament. Une sotte physionomie est celle qui n’exprime que la complexion, comme un tempérament robuste, etc. ; mais il ne faut jamais juger sur la physionomie car il y a tant de traits mâles sur le visage et dans le maintien des hommes, que cela peut souvent confondre ; sans parler des accidents qui défigurent les traits naturels, et qui empêchent que l’âme ne s’y manifeste, comme la petite-vérole[3], la maigreur, etc.

On pourrait conjecturer plutôt sur le caractère des hommes, par l’agrément qu’ils attachent à de certaines

  1. [Ne dirait-on pas que cette persuasion est la chose du monde la plus facile ? Il s’en faut pourtant de quelque chose. — La H.]
  2. Sur l’exemplaire d’Aix, Vauvenargues a retranché ici deux lignes qui, en effet, ne se retrouvent plus dans la seconde édition, et c’est à tort que les divers éditeurs les donnent. — G.
  3. On sait que Vauvenargues a été défiguré par la petite-vérole, et qu’il est mort du contre-coup de cette maladie, si terrible avant la découverte de la vaccine. — G.