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DE L’ESPRIT HUMAIN.

Si nous étions sages, nous nous bornerions à un petit nombre de connaissances, afin de les mieux posséder. Nous tâcherions de nous les rendre familières et de les réduire en pratique : la plus longue et la plus laborieuse théorie n’éclaire qu’imparfaitement. Un homme qui n’aurait jamais dansé posséderait inutilement les règles de la danse ; il en est sans doute de même des métiers d’esprit.

Je dirai bien plus : rarement l’étude est utile, lorsqu’elle n’est pas accompagnée du commerce du monde. Il ne faut pas séparer ces deux choses : l’une nous apprend à penser, l’autre à agir ; l’une à parler, l’autre à écrire ; l’une à disposer nos actions, l’autre à les rendre faciles.

L’usage du monde nous donne encore de penser naturellement, et l’habitude des sciences, de penser profondément.

Par une suite naturelle de ces vérités, ceux qui sont privés de l’un et l’autre avantage par leur condition, fournissent une preuve incontestable de l’indigence naturelle de l’esprit humain. Un vigneron, un couvreur, resserrés dans un petit cercle d’idées très communes, connaissent à peine les plus grossiers usages de la raison, et n’exercent leur jugement, suppose qu’ils en aient reçu de la nature, que sur des objets très palpables. Je sais bien que l’éducation ne peut suppléer le génie ; je n’ignore pas que les dons de la nature valent mieux que les dons de l’art cependant l’art est nécessaire pour faire fleurir les talents. Un beau naturel négligé ne porte jamais de fruits mûrs.

Peut-on regarder comme un bien un génie à peu près stérile ? Que servent à un grand seigneur les domaines qu’il laisse en friche ? Est-il riche de ces champs incultes ?

29. — De l’avarice.

Ceux qui n’aiment l’argent que pour la dépense ne sont pas véritablement avares[1]. L’avarice est une extrême dé-

  1. [Ils sont avides. — V.]