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INTRODUCTION À LA CONNAISSANCE

plus aisément la trace des petites, qui ne sont que des dépendances et des branches de celles-ci.

25. De l’ambition.

L’instinct qui nous porte à nous agrandir n’est aucune part si sensible que dans l’ambition ; mais il ne faut pas confondre tous les ambitieux. Les uns attachent la grandeur solide à l’autorité des emplois ; les autres aux grandes richesses ; les autres au faste des titres, etc. ; plusieurs vont à leur but sans nul choix des moyens ; quelques-uns par de grandes choses, et d’autres par les plus petites ainsi telle ambition est vice ; telle, vertu ; telle, vigueur d’esprit ; telle, égarement et bassesse, etc.

Toutes les passions prennent le tour de notre caractère. Nous avons vu ailleurs que l’âme[1] influait beaucoup sur l’esprit ; l’esprit influe aussi sur l’âme. C’est de l’âme que viennent tous les sentiments ; mais c’est par les organes de l’esprit que passent les objets qui les excitent. Selon les couleurs qu’il leur donne, selon qu’il les pénètre, qu’il les embellit, qu’il les déguise, l’âme les rebute ou s’y attache. Quand donc même on ignorerait que tous les hommes ne sont pas égaux par le cœur, il suffit de savoir qu’ils envisagent les choses selon leurs lumières, peut-être encore plus inégales, pour comprendre la différence qui distingue les passions mêmes qu’on désigne du même nom. Si différemment partagés par l’esprit et les sentiments, ils s’attachent au même objet sans aller au même intérêt ; et cela n’est pas seulement vrai des ambitieux, mais aussi de toute passion.

26. — De l’amour du monde.

Que de choses sont comprises dans l’amour du monde ! le libertinage, le désir de plaire, l’envie de primer, etc. : l’amour du sensible et du grand ne sont nulle part si mêlés.

  1. Il ne faut pas perdre de vue que Vauvenargues prend presque toujours le mot âme dans le sens de cœur. Voy. quelques lignes plus bas, où ce dernier mot remplace l’autre : « … tous les ne sont pas égaux par le cœur. » — G.