Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
INTRODUCTION À LA CONNAISSANCE

16. — Du Caractère.

Tout ce qui forme l’esprit et le cœur est compris dans le caractère. Le génie n’exprime que la convenance de certaines qualités[1] ; mais les contrariétés les plus bizarres entrent dans le même caractère, et le constituent.

On dit d’un homme qu’il n’a point de caractère, lorsque les traits de son âme sont faibles, légers, changeants ; mais cela même fait un caractère[2], et l’on s’entend bien là-dessus.

Les inégalités du caractère influent sur l’esprit ; un homme est pénétrant, ou pesant, ou aimable, selon son humeur.

On confond souvent dans le caractère les qualités de l’âme et celles de l’esprit. Un homme est doux et facile, on le trouve insinuant ; il a l’humeur vive et légère, on dit qu’il a l’esprit vif ; il est distrait et rêveur, on croit qu’il a l’esprit lent et peu d’imagination. Le monde ne juge des choses que par leur écorce, c’est une chose qu’on dit tous les jours, mais que l’on ne sent pas assez. Quelques réflexions, en passant, sur les caractères les plus généraux, nous y feront faire attention.

17. — Du Sérieux.

Un des caractères les plus généraux, c’est le sérieux ; mais combien de choses différentes n’a-t-il pas, et combien de caractères sont compris dans celui-ci ! On est sérieux par tempérament, par trop ou trop peu de passions, trop ou trop peu d’idées, par timidité, par habitude, et par mille autres raisons[3]. L’extérieur distingue tous ces divers caractères aux yeux d’un homme attentif.

Le sérieux[4] d’un esprit tranquille porte un air doux et serein ; le sérieux des passions ardentes est sauvage, som-

  1. Le génie est l’aptitude à exceller dans un art. — V.
  2. Pauvre caractère ! — V.
  3. Sur l’exemplaire d’Aix, Voltaire ajoute : Par le dégoût qu’inspirent les frivoles conversations. — G.
  4. Voltaire note toute cette fin de chapitre du mot très-bien. En effet, ici,