Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
DE L’ESPRIT HUMAIN.

étant leur passion dominante, elles excitent toute leur vivacité, et lui fournissent une occasion continuelle de paraître. Ceux qui ont des passions plus sérieuses, étant froids sur ces puérilités, toute la vivacité de leur esprit demeure concentrée.

5. — Pénétration.

La pénétration est une facilité à concevoir, à remonter au principe des choses, ou à prévenir leurs effets par une vive suite d’inductions. C’est une qualité qui est attachée comme les autres à notre organisation, mais que nos habitudes et nos connaissances perfectionnent : nos connaissances, parce qu’elles forment un amas d’idées qu’il n’y a plus qu’à réveiller ; nos habitudes, parce qu’elles ouvrent nos organes, et donnent aux esprits un cours facile et prompt.

Un esprit extrêmement vif peut être faux, et laisser échapper beaucoup de choses par vivacité ou par impuissance de réfléchir, et n’être pas pénétrant ; mais l’esprit pénétrant ne peut être lent ; son vrai caractère est la vivacité et la justesse unies à la réflexion.

Lorsqu’on est trop préoccupé de certains principes sur une science, on a plus de peine à recevoir d’autres idées sur la même science et une nouvelle méthode ; mais c’est là encore une preuve que la pénétration est dépendante, comme je l’ai dit, de nos habitudes. Ceux qui font une étude puérile des énigmes, en pénètrent plutôt le sens que les plus subtils philosophes.

6. — De la Justesse, de la Netteté, du Jugement.

La netteté est l’ornement de la justesse[1] ; mais elle n’en est pas inséparable. Tous ceux qui ont l’esprit net, ne l’ont pas juste : il y a des hommes qui conçoivent très-distinctement, et qui ne raisonnent pas conséquemment ; leur es-

  1. La netteté naît de l’ordre des idées. — V.