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INTRODUCTION À LA CONNOISSANCE.

les sources de nos erreurs sur une matière sans bornes : lorsque nous croyons tenir la vérité par un endroit, elle nous échappe par mille autres ; mais j’espère qu’en parcourant les principales parties de l’esprit, je pourrai observer leurs différences essentielles, et faire évanouir un très-grand nombre de ces contradictions imaginaires qu’admet l’ignorance. L’objet de ce premier livre est de faire connaître, par des définitions et par des réflexions fondées sur l’expérience, toutes ces différentes qualités des hommes qui sont comprises sous le nom d’esprit. Ceux qui recherchent les causes physiques de ces mêmes qualités, en pourraient peut-être parler avec moins d’incertitude, si on réussissait dans cet ouvrage à développer les effets dont ils étudient les principes.

2. — Imagination, Réflexion, Mémoire.

Il y a trois principes remarquables dans l’esprit : l’imagination, la réflexion, et la mémoire[1].

J’appelle imagination le don de concevoir les choses d’une manière figurée[2], et de rendre ses pensées par des images. Ainsi l’imagination parle toujours à nos sens ; elle est l’inventrice des arts et l’ornement de l’esprit.

La réflexion est la puissance de nous replier sur nos idées, de les examiner, de les modifier ou de les combiner de diverses manières. Elle est le grand principe du raisonnement, du jugement, etc.

La mémoire conserve le précieux dépôt de l’imagination et de la flexion. Il serait superflu de s’arrêter à peindre son utilité non contestée : nous n’employons dans la plupart de nos raisonnements que des réminiscences ; c’est sur elles que nous bâtissons ; elles sont le fondement et la matière

  1. [Ce sont là trois qualités, trois modes, trois puissances de la substance pensante, et non pas trois principes. — La H.] — La mémoire est la première. — V.
  2. [Oui, dans le style ; mais l’imagination en elle-même est la disposition à se représenter les objets éloignés ou possibles, aussi vivement que s’ils étaient prochains et réels. — La H.]