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790. L’intérêt et la paresse anéantissent les promesses quelquefois sincères de la vanité[1].

791. La patience obtient quelquefois des hommes ce qu’ils n’ont jamais eu l’intention d’accorder[1] ; l’occasion peut même obliger les plus trompeurs à effectuer de fausses promesses.

792. Les dons intéressés sont importuns.

793. S’il était possible de donner sans perdre, il se trouverait encore des hommes inaccessibles.

794. L’impie endurci dit à Dieu : Pourquoi as-tu fait des misérables[2] ?

795. Les avares ne se piquent pas ordinairement de beaucoup de choses[3].

796. La folie de ceux qui réussissent est de se croire habiles.

797. La raillerie est l’épreuve de l’amour-propre.

798. La gaîté est la mère des saillies.

799. Les sentences sont les saillies des philosophes.

800. Les hommes pesants sont opiniâtres.

801. Nos idées sont plus imparfaites que la langue.

802. La langue et l’esprit ont leurs bornes ; la vérité est inépuisable.

803. La nature a donné aux hommes des talents divers : les uns naissent pour inventer, et les autres pour embellir ; mais le doreur attire plus de regards que l’architecte.

804. Un peu de bon sens ferait évanouir beaucoup d’esprit.

805. Le caractère du faux-esprit est de ne paraître qu’aux dépens de la raison.

806. On est d’autant moins raisonnable sans justesse, qu’on a plus d’esprit[4].

  1. a et b [Commun. — V.]
  2. C’est demander à Dieu pourquoi il a fait des hommes ; car s’il y avait seulement deux êtres parfaitement heureux, il y aurait deux dieux, ce qui impliquerait contradiction. Puisqu’il existe des êtres qui ne sont pas des dieux, il doit exister des malheureux. — F. — Mais si l’on demandait à M. de Fortia : pourquoi les uns, plutôt que les autres ? — G.
  3. Sans doute, parce que toutes leurs passions sont concentrées en une seule, ou peut-être parce qu’ils craindraient qu’on ne les crut riches. — G.
  4. C’est-à-dire que, lorsqu’on n’a point de jugement, plus on a d’esprit et plus ou déraisonne. — S.