761. La gloire est la preuve de la vertu.
762. La trop grande économie fait plus de dupes que la profusion[1].
763. La libéralité de l’indigent est nommée prodigalité.
764. La profusion n’avilit que ceux qu’elle n’illustre pas.
765. Si un homme, obéré et sans enfants, se fait quelques rentes viagères, et jouit par cette conduite des commodités de la vie, nous disons que c’est un fou qui s mangé son bien.
766. La libéralité et l’amour des lettres ne ruinent personne ; mais les esclaves de la fortune trouvent toujours la vertu trop achetée.
767. On fait bon marché d’une médaille, lorsqu’on n’est pas curieux d’antiquités : ainsi, ceux qui n’ont pas de sentiment pour le mérite, ne tiennent presque pas de compte des plus grands talents.
768. Le grand avantage des talents paraît en ce que la fortune, sans mérite, est presque inutile.
769. On tente d’ordinaire sa fortune par les talents qu’on n’a pas.
770. Il vaut mieux déroger à sa qualité qu’a son génie : ce serait être fou de conserver un état médiocre, au prix d’une grande fortune ou de la gloire[2].
771. Il n’y a point de vice qui ne soit nuisible, dénué d’esprit[3].
772. J’ai cherché s’il n’y avait point de moyen de faire sa fortune sans mérite, et je n’en ai trouvé aucun[4].
773. Moins on veut mériter sa fortune, plus il faut se donner de peine pour la faire.
774. Les beaux-esprits ont une place dans la bonne compagnie, mais la dernière.
- ↑ Rapprochez cette Maxime, et les quatre suivantes, de la 51e. — G.
- ↑ Voltaire trouve cette Maxime obscure. Rappelons que Vauvenargues l’écrivait, sans doute, au moment où il aspirait à la gloire des lettres ; elle devient très-claire. — G.
- ↑ Cette Maxime laisse à penser, par contre, que le vice, accompagné de quelque esprit, peut encore être utile, et, en effet, Vauvenargues a plusieurs fois exprimé cette idée, sous différentes formes. (Voir la 4e note dela page 53.) — G.
- ↑ Var. : « J’ai cherché s’il n’y avait aucun moyen de faire sa fortune sans mérite ; et, me proposant tour à tour le service des grands, celui des femmes, la souplesse et l’adulation, etc., j’ai conclu de tous ces chemins ce qu’on dit ordinairement des jeux de hasard, qu’ils ne conviennent proprement qu’à ceux qui n’ont rien à perdre. » — Rapprochez des Maximes 380e, 760e, et 768e. — G.