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733. Les grands philosophes sont les génies de la raison[1].

734. Pour savoir si une pensée est nouvelle, il n’y a qu’à l’exprimer bien simplement[2].

735. Il y a peu de pensées synonymes, mais beaucoup d’apprechantes[3].

736. Lorsqu’un bon esprit ne voit pas qu’une pensée puisse être utile, il y a grande apparence qu’elle est fausse[4].

737. Nous recevons quelquefois de grandes louanges, avant d’en mériter de raisonnables.

738. Les réputations mal acquises se changent en mépris.

739. L’espérance est le plus utile ou le plus pernicieux des biens.

740. L’erreur est la nuit des esprits, et le piége de l’innocence[5].

741. Les demi-philosophes ne louent l’erreur, que pour faire, malgré eux, les honneurs de la verité[6].

742. C’est être bien impertinent de vouloir faire croire qu’on n’a pas assez d’illusions pour être heureux.

743. Celui qui souhaiterait sérieusement des illusions, aurait au-delà de ses vœux.

744. Les corps politiques ont leurs défauts inévitables, comme les divers âges de la vie humaine. Qui peut garantir la vieillesse des infirmités, hors la mort[6] ?

745. La sagesse est le tyran des faibles[7].

746. Les regards affables ornent le visage des rois.

  1. Ici, Voltaire emploie ironiquement l’affirmation allemande ia, comme pour signifier que la proposition de Vauvenargues va de soi, et n’a pas besoin d’être énoncée. — G.
  2. [Non. — V.]
  3. [On le sait. — V.]
  4. [Fausse, non ; mais fade. — V.]
  5. [Obscur. — V.]
  6. a et b [Faible. — V.]
  7. [Obscur. — V.] — Il faut chercher dans quelques Maximes précédentes, notamment dans la 20e et ses variantes, l’explication de celle-ci. Vauvenargues ne fait pas grand état de la raison, de la réflexion, de la prudence, de la sagesse, etc. : il leur préfère le sentiment, l’instinct, le courage, ou ce qu’il appelle la vertu, en prenant le mot dans le sens de force active ; et, comme il a déclaré plus haut que la raison est inutile ou impuissante pour les faibles, il déclare ici que la sagesse n’est bonne qu’à les tourmenter, sans profit pour eux, parce que la faiblesse est un mal sans remède. — Voir aussi la Maxime 430e, et la note qui s’y rapporte. — G.