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ET MAXIMES.


ment, mais parce que personne ne veut être dupe. La vertu nous fait mépriser la fausseté, et l’amour-propre nous la fait haïr.

706. Est-ce force dans les hommes d’avoir des passions, ou insuffisance et faiblesse ? Est-ce grandeur d’être exempt de passions, ou médiocrité de génie ? Ou tout est-il mêlé de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse[1] ?

707. Qui est [le] plus nécessaire au maintien d’une société d’hommes faibles, et que leur faiblesse à unis, la douceur, ou l’austérité ? Il faut employer l’une et l’autre : que la loi soit sévère, et les hommes indulgents.

708. La sévérité dans les lois est humanité pour les peuples ; dans les hommes, elle est la marque d’un génie étroit et cruel : il n’y a que la nécessité qui puisse la rendre innocente[2].

709. S’il n’y avait de domination légitime que celle qui s’exerce avec justice, nous ne devrions rien aux mauvais rois.

710. Comptez rarement sur l’estime et sur le confiance d’un homme qui entre dans tous vos intérêts, s’il ne vous parle aussi des siens.

711. C’est la conviction manifeste de notre incapacité que le hasard dispose si universellement et si absolument de tout. Il n’y a rien de plus rare dans le monde que les grands talents et que le mérite des emplois : la fortune est plus partiale qu’elle n’est injuste[3].

712. Le mystère dont on enveloppe ses desseins marque quelquefois plus de faiblesse que l’indiscrétion, et souvent nous fait plus de tort[4].

713. Ceux qui font des métiers infâmes, comme les voleurs, les femmes perdues, se font gloire de leurs crimes, et regardent les honnêtes

  1. Ici, Vauvenargues ne conclut pas ; mais, partout ailleurs, il déclare que le manque de passions n’est que faiblesse, et médiocrité de génie. — G.
  2. Rapprochez cette Maxime et la précédente des 302e-305e. — G.
  3. [Obscur, et peu lié. — V.] — Cette pensée est obscure ; l’auteur veut dire, je crois, que c’est la conviction que nous avons de notre incapacité, qui nous fait abandonner tant de choses au hasard. Il n’y a rien de plus rare dans le monde, dit-il ensuite, que les grands talents et que le mérite des emplois ; le mérite des emplois est une ellipse forcée. L’auteur ajoute  : la fortune est plus partiale qu’elle n’est injuste, c’est-à-dire qu’entre des concurrents sans moyens, elle n’est pas injuste en refusant un emploi à tel qui ne le mérite pas, mais partiale, en l’accordant à tel autre, qui ne le mérite pas davantage. — S. — Suard explique très-bien la dernière phrase ; mais il n’a pas compris la première ; conviction est employé par Vauvenargues dans le sens de preuve, et, en substituant ce dernier mot à l’autre, la phrase devient très-claire. — G.
  4. Rapprochez de la Maxime 104e. — G.