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grette pour elle-même, et non par timidité devant la mort.]

700. [Oh ! qu’il est difficile de se résoudre à mourir[1] !]


701. Les premiers écrivains travaillaient sans modèles, et n’empruntaient rien que d’eux-mêmes, ce qui fait qu’ils sont inégaux, et mêlés de mille endroits faibles, avec un génie tout divin. Ceux qui ont reussi après eux ont puisé dans leurs inventions, et par là sont plus soutenus[2] ; nul ne trouve tout dans son propre fonds.

702. Qui saura penser de soi-même, et former de nobles idées, qu’il prenne, s’il peut, hardiment, la manière et le tour des maîtres : toutes les richesses de l’expression appartiennent de droit à ceux qui savent les mettre à leur place.

703. Il ne faut pas craindre non plus de redire une vérité ancienne[3], lorsqu’on peut la rendre plus sensible par un meilleur tour, ou la joindreà une autre vérité qui l’éclaircisse, et former un corps de raisons. C’est le propre des inventeurs de saisir le rapport des choses, et de savoir les rassembler ; et les découvertes anciennes sont moins à leurs premiers auteurs qu’à ceux qui les rendent utiles.

704. On fait un ridicule à un homme du monde du talent et du goût d’écrire[4]. Je demande aux gens raisonnables : Que font ceux qui n’écrivent pas[5] ?

705. Cest un mauvais parti pour une femme que d’être coquette : il est rare que celles de ce caractère allument de grandes passions ; et ce n’est pas à cause qu’elles sont légères, comme on le croit communé-

  1. Dans la seconde édition de son livre, Vauvenargues, conseillé par Voltaire, avait supprimé les Maximes qui suivent (voir l’Avertissement, page 373) ; cependant, les divers éditeurs les ont rétablies, de leur chef, sans même en avertir le lecteur. Comme elles étaient acquises à la publicité, nous en avons déjà donné un grand nombre, à titre de variantes aux Maximes remaniées par l’auteur, et nous donnons ici les autres, mais en caractères plus petits, afin de les distinguer de celles qu’il maintenait définitivement. Nous y joignons les notes inédites de Voltaire, qui ont motivé la plupart des suppressions faites par Vauvenargues. Qu’il n’y ait rien à regretter dans ces suppressions, et que les critiques de Voltaire soient toutes également heureuses, c’est ce dont le lecteur pourra juger. — G.
  2. Add. : [ « Nous qui ne savons pas les langues mortes, nous puisons parmi ces derniers ; on dit là-dessus que rien n’est plus facile ; mais c’est une erreur très-injuste. » ]
  3. Rapprochez de la Maxime 398e. — G.
  4. [Oui, mais imprimer ? — V.]
  5. Dans les éditions précédentes, cette Maxime est suivie d’une pensée répétée, mot pour mot, du 28e chap. de l’Introduction à la Connaissance de l’Esprit humain, et que, pour cette raison, nous avons supprimée. — G.