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se baigner humblement dans la même eau, j’ai compris tout d’un coup ce qu’on m’avait dit si souvent, et ce que je ne voulais pas croire, que les faiblesses ou les malheurs des hommes les rapprochent, et les rendent souvent plus sociables. Des malades sont plus humains et moins dédaigneux que d’autres hommes.]

663. [Je remarquai encore dans ces bains que les nudités ne me touchaient point ; c’est parce que j’étais malade. Depuis lors, quand je vois un homme qui n’est point frappé de la pure nature, en quelque sujet que ce soit, je dis que son goût est malade.]

664. [Cest quelquefois peine perdue, que de traiter les grands sujets et les vérités générales. Que de volumes sur l’immortalité de l’âme, sur l’essence des corps et des esprits, sur le mouvement, sur l’espace, etc. ! Les grands sujets imposent à l’imagination des hommes, et l’on s’attire le respect du monde, en l’entretenant de matières qui passent la portée de son esprit ; mais il y a peu de ces discours qui soient vraiment utiles. Il vaut mieux s’attacher à des choses vraies, instructives, et profitables, qu’à ces grandes spéculations, dont on ne peut rien conclure de raisonnable et de décisif. Les hommes ont besoin de savoir beaucoup de très-petites choses ; et il faut les en instruire avant tout.]

665. [Il ne faut point que ce soit la finesse qui domine dans un ouvrage. Un livre est un monument public ; or, tout monument doit être grand et solide. La finesse doit se produire avec tant de simplicité qu’on la sente, en quelque manière, sans la remarquer. Il n’y a, selon moi, que les choses qu’on ne peut dire uniment, qu’il est permis de dire avec finesse.]

666. [Il y a des gens d’un esprit naturel, facile, abondant, impétueux, qui rejettent absolument le style court, serré, et qui oblige à réfléchir ; ils voudraient toujours