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ET MAXIMES.

610.  [Il ne faut pas laisser prévoir à un lecteur ce qu’on veut lui dire, mais le lui faire penser, afin qu’il puisse nous estimer d’avoir pensé comme lui, mais après lui.]

611.  [L’art de plaire, l’art de penser, l’art d’aimer, l’art de parler, beaux préceptes, mais peu utiles, quand ils ne sont pas enseignés par la nature.]

612.  [Nous ne pensons pas si bien que nous agissons.]

613.  [Ceux qui échappent aux misères de la pauvreté n’échappent pas à celles de l’orgueil.]

614.  [L’orgueil est le consolateur des faibles.]

615.  [Nous délibérons quelquefois lorsque nous voulons faire une sottise, et nous assemblons nos amis, pour les consulter, comme les princes affectent toutes les formalités de la justice, lorsqu’ils sont le plus déterminés à la violer.]

616.  [Les beaux-esprits se vengent du dédain des riches sur ceux qui n’ont encore que du mérite.]

617.  [L’esprit n’est aujourd’hui à si bas prix, que parce qu’il y en a beaucoup.]

618.  [La plaisanterie des philosophes est si mesurée, qu’on ne la distingue pas de la raison.]

619.  [Il échappe quelquefois à un homme ivre des saillies plus agréables que celles des meilleurs plaisants.]

620.  [Quelques hommes seraient bien étonnés d’apprendre ce qui leur fait estimer d’autres hommes.]

621.  [Le corps ne souffre jamais seul des austérités de l’esprit ; l’âme s’endurcit avec le corps.]

622.  [On voit de misérables corps victimes languissantes d’un esprit infatigable, qui les tourmente inexorablement jusqu’à la mort. Je me représente alors un grand empire, que l’ambition inquiète d’un seul homme agite et ravage, jusqu’à ce que tout soit détruit, et que l’État périsse.]