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557. On pardonne aisément les maux passés et les aversions impuissantes.

558. Quiconque ose de grandes choses risque inévitablement sa réputation.

559. [Que la fortune donne prise sur quelqu’un, la malignite et la faiblesse s’enhardissent, et c’est comme un signal pour l’accabler.]

560. [Les qualités dominantes des hommes ne sont pas celles qu’ils laissent paraître, mais, au contraire, celles qu’ils cachent le plus volontiers ; car ce sont leurs passions qui forment véritablement leur caractère, et on n’avoue point les passions, à moins qu’elles ne soient si frivoles, que la mode les justifie, ou si modérées, que la raison n’en rougisse point[1]. On cache surtout l’ambition, parce qu’elle est une espèce de reconnaissance humiliante de la supériorité des grands, et un aveu de la petitesse de notre fortune, ou de la présomption de notre esprit. Il n’y a que ceux qui désirent peu, ou ceux qui sont à portée de faire réussir leurs prétentions, qui puissent les laisser paraître avec bienséance. Ce qui fait tous les ridicules dans le monde, ce sont les prétentions en apparence mal fondées, ou démesurées, et, parce que la gloire et la fortune sont les avantages les plus difficiles à acquérir, ils sont aussi la source des plus grands ridicules pour ceux qui les manquent.]

561. [Si un homme est né avec l’âme haute et courageuse, s’il est laborieux, altier, ambitieux, sans bassesse, d’un esprit profond et caché, j’ose dire qu’il ne lui manque rien pour être négligé des grands et des gens en place, qui craignent, encore plus que les autres hommes, ceux qu’ils ne pourraient dominer[2].]

  1. Voir la Maxime 328e. — G.
  2. Il n’est pas possible de s’y méprendre : dans cette Maxime, dans la précédente, et dans les trois qui suivent, il y a des retours de Vauvenargues sur lui-même. — Voir notre Éloge. — G.