Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/486

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bre. Tous sont dans l’erreur : il n’y a rien de si difficile que de se faire agréer, de quelque grand ; il faut avoir des mérites, et des mérites particuliers. Manquait-on de jeunes gens de dix-huit ans, à la cour de Louis XIII, pour faire un connétable ? ]

380. [Un talent médiocre n’empêche pas une grande fortune, mais il ne la procure, ni ne la mérite.]

381. [Un honnête homme peut être indigné contre ceux qu’il ne croit pas mériter leur fortune ; mais il n’est pas capable de la leur envier.]

382. Nos paysans aiment leurs hameaux ; les Romains étaient passionnés pour leur patrie, pendant que ce n’était qu’une bourgade ; lorsqu’elle devint plus puissante, l’amour de la patrie ne fut plus si vif ; une ville, maîtresse de l’univers, était trop vaste pour le cœur de ses habitants. Les hommes ne sont pas nés pour aimer les grandes choses.

383. Les folies de Caligula ne m’étonnent point ; j’ai connu, je crois, beaucoup d’hommes qui auraient fait leurs chevaux consuls, s’ils avaient été empereurs romains. Je pardonne, par d’autres motifs, à Alexandre de s’être fait rendre des honneurs divins, à l’exemple d’Hercule et de Bacchus, qui avaient été hommes comme lui, et moins grands hommes. Les anciens n’attachaient pas la même idée que nous au nom de dieu, puisqu’ils en admettaient plusieurs, tous fort imparfaits ; or, il faut juger des actions des hommes selon les temps. Tant de temples élevés par les empereurs romains à la mémoire de leurs amis morts, n’étaient que les honneurs funéraires de leur siècle, et ces hardis monuments de la fierté des maîtres de la terre n’offensaient ni la religion, ni les mœurs d’un peuple idolâtre.

384. [Je me suis trouvé, à l’Opéra, à côté d’un homme qui souriait, toutes les fois que le parterre battait des mains.