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vérités ; elles n’ont qu’à se replier sur elles-mêmes, et à feuilleter, si cela se peut dire, leurs propres pensées[1].]

367. Le sentiment ne nous est pas suspect de fausseté.

368. L’illustre auteur de Télémaque ne donne-t-il pas aux princes un conseil timide, lorsqu’il leur inspire d’éloigner des emplois les hommes ambitieux qui en sont capables ? Un grand roi ne craint pas ses sujets, et n’en doit rien craindre.

369. [Il faut qu’un roi ait bien peu d’esprit, ou l’âme bien peu forte, pour ne pas dominer ceux dont il se sert.]

370. Les vertus règnent plus glorieusement que la prudence ; la magnanimité est l’esprit des rois.

371. [Le défaut d’ambition, dans les grands, est quelquefois la source de beaucoup de vices ; de là, le mépris des devoirs, l’arrogance, la lâcheté, et la mollesse. L’ambition, au contraire, les rend accessibles, laborieux, honnêtes, serviables, etc., et leur fait pratiquer les vertus qui leur manquent par nature, mérite souvent supérieur à ces vertus même, parce qu’il témoigne ordinairement une âme forte.]

372. [On ne saurait trop répéter que tous les avantages humains se perdent par le manque des qualités qui les procurent : les richesses s’épuisent sans l’économie ; la gloire se ternit sans l’action ; la grandeur n’est qu’un titre de mollesse sans l’ambition qui l’a établie, et qui, seule, peut lui conserver sa considération et son crédit[2].]

  1. Nous l’avons assez vu, c’est la méthode ordinaire de Vauvenargues ; il se replie sur lui-même. Cette phrase, seule, justifierait le parti que nous avons pris dans notre commentaire, comme dans notre Éloge, de chercher la biographie morale de Vauvenargues dans son œuvre même. — G. — Var. : « Les hommes médiocres empruntent au dehors le peu de connaissances et de lumieres qu’ils paraissent tirer de leur propre fonds ; mais les âmes supérieures trouvent en elles-mêmes un grand nombre de choses extérieures. »
  2. Var. : [« Si les richesses s’épuisent par la profusion ; si la gloire se ternit par l’inaction ; en un mot, si tous les avantages acquis se perdent par le défaut des qualités qui les procurent, cela est vrai surtout a l’ègard des grands, qui ne peuvent conserver le crédit et la considération de leur fortune que par l’ambition qui l’a faite. Mais, tandis qu’ils se laissent amollir par les plaisirs, et qu’ils font consister la grandeur dans le faste, dans les excès, et dans le dédain pour les autres hommes, qui leur fera entendre ces vérités ? »]