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ET MAXIMES.

363. Si l’on pouvait donner aux enfants des maîtres de jugement et d’éloquence, comme on leur donne des maîtres de langues ; si on exerçait moins leur mémoire que leur activité et leur génie ; si, au lieu d’émousser la vivacité de leur esprit, on tâchait d’élever l’essor et les mouvements de leur âme, que n’aurait-on pas lieu d’attendre d’un beau naturel ? Mais on ne pense pas que la hardiesse, ou que l’amour de la vérité et de la gloire, soient les vertus qui importent à leur jeunesse ; on ne s’attache, au contraire, qu’à les subjuguer, afin de leur apprendre que la dépendance et la souplesse sont les premières lois de leur fortune.

364. Les enfants n’ont pas d’autre droit à la succession de leur père que celui qu’ils tiennent des lois ; c’est au même titre que la noblesse se perpétue dans les familles : la distinction des ordres du royaume est une des lois fondamentales de l’État.

365. [Celui qui respecte les lois honore le bonheur de la naissance ; la considération qu’il a pour la noblesse est encore appuyée sur la longue possession où elle est des premiers honneurs. La possession est le seul titre des choses humaines ; les traités et les bornes des États, la fortune des particuliers et la dignité royale elle-même, tout est fondé là-dessus. Qui voudrait remonter aux commencements, ne trouverait presque rien qui ne fût matière à contestation : la possession est donc le plus respectable de tous les titres, puisqu’elle nous donne la paix.]

366. [C’est dans notre propre esprit, et non dans les objets extérieurs, que nous apercevons la plupart des choses : les sots ne connaissent presque rien, parce qu’ils sont vides, et que leur cœur est étroit ; mais les grandes âmes trouvent en elles-mêmes un grand nombre de choses extérieures ; elles n’ont besoin, ni de lire, ni de voyager, ni d’écouter, ni de travailler, pour découvrir les plus hautes