314. Nos actions ne sont ni si bonnes ni si vicieuses que nos volontés.
315. Dès que l’on peut faire du bien, on est à même de faire des dupes ; un seul homme en amuse alors une infinité d’autres, tous uniquement occupés de le tromper. Ainsi, il en coûte peu aux gens en place pour surprendre leurs inférieurs ; mais il est malaisé à des misérables d’imposer à qui que ce soit. Celui qui a besoin des autres les avertit de se défier de lui ; un homme inutile a bien de la peine à leurrer personne.
316. L’indifférence où nous sommes pour la vérité dans la morale vient de ce que nous sommes décidés à suivre nos passions, quoi qu’il en puisse être ; et c’est ce qui fait que nous n’hésitons pas lorsqu’il faut agir, malgré l’incertitude de nos opinions[1]. Peu importe, disent les hommes, de savoir où est la vérité, sachant où est le plaisir.
317. Les hommes se défient moins de la coutume et de la tradition de leurs ancêtres, que de leur raison[2].
318. La force ou la faiblesse de notre créance dépend plus de notre courage que de nos lumières[3] : tous ceux qui se moquent des augures n’ont pas toujours plus d’esprit que ceux qui y croient.
- ↑ Var. : « Et c’est là ce qui fait que nous n’hésitons pas dans la pratique, malgré l’incertitude de notre créance. » — Dans la version définitive, c’est ce qui fait porte sur le dernier membre de phrase (nous sommes décidés à suivre nos passions), et non sur le premier (l’indifférente où nous sommes). — G.
- ↑ Var. : « Nous avons plus de foi à la coutume et à la tradition de nos pères qu’à notre raison. » — Dans cette Maxime, dans les huit ou dix qui suivent, et dans la 918e, on voit clairement les hésitations de Vauvenargues sur les matières de foi ; il oppose la raison à la tradition, et, d’un autre côté, il ne voit pas que ceux qui se moquent des augures aient plus d’esprit que ceux qui y croient ; il s’explique la foi, par l’intérêt du cœur, ou par les fantômes de la peur, et, par contre, il ne peut s’expliquer l’intrépidité d’un homme incrédule. — Voir, sur ces alternatives, la dernière note de la Méditation sur la Foi, page 230. — G.
- ↑ Var. : « Dépend plus de notre âme que de notre esprit. »