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ET MAXIMES.

qu’à relever les ridicules et les faiblesses de l’humanité, sans distinction ni égards, éclairent bien moins la raison et les jugements du public, qu’ils ne dépravent ses inclinations[1].

286. Je n’admire point un sophiste qui réclame contre la gloire et contre l’esprit des grands hommes ; en ouvrant mes yeux sur le faible des plus beaux génies, il m’apprend à l’apprécier lui-même ce qu’il peut valoir ; il est le premier que je raie du tableau des hommes illustres[2].

287. Nous avons grand tort de penser que quelque défaut que ce soit, puisse exclure toute vertu, ou de regarder l’alliance du bien et du mal comme un monstre ou comme une énigme ; c’est faute de pénétration que nous concilions si peu de choses.

288. Les faux philosophes s’efforcent d’attirer l’attention des hommes, en faisant remarque dans notre esprit des contrariétés et des difficultés qu’ils forment eux-mêmes ; comme d’autres amusent les enfants par des tours de cartes qui confondent leur jugement, quoique naturels et sans magie. Ceux qui nouent ainsi les choses, pour avoir le mérite de les dénouer, sont les charlatans de la morale.

289. Il n’y a point de contradictions dans la nature[3].

  1. Var. : « Il est peu de leçons utiles dans les meilleurs livres, depuis que la faiblesse de l’esprit humain est devenue le champ de tous les lieux-communs des philosophes. »
  2. Var. : « Je trouve plaisant que quelqu’un aspire à se faire admirer, en insinuant que nous sommes des dupes d’estimer Alexandre ou Marc-Aurèle. » — Autre Var. : « Le plaisir le plus délicat des petites âmes est de découvrir le défaut des grandes ; on ne devrait point imposer par ce pauvre genre d’esprit. Je ne puis admirer un auteur qui réclame en vers insultants contre les vertus d’Alexandre. » — Ces deux variantes désignent clairement J.-B. Rousseau, que Vauvenargues a déjà attaqué sur ce point. (Voir l’article Rousseau, page 255.) — G.
  3. Voltaire remarque que cette pensée et les deux précédentes vont droit à Pascal. — G.